Bien manger, une affaire de famille

L’alimentation de l’enfant est un enjeu important, notamment pour l’aider à bien grandir. Mais pour les parents, ce n’est pas toujours simple de s’y retrouver entre ce qu’il faudrait faire dans un monde idéal et ce qu’on peut faire au quotidien. Voici quelques conseils et témoignages pour vous accompagner. Goûter et aimer les aliments, ça s’apprend chez les petits, comme chez les grands.

Marie-Claire Thareau, nutritionniste : "si votre enfant n’aime pas, ce n’est pas grave".

Marie-Claire Thareau est nutritionniste. Elle est la co-fondatrice de l’association Pommes & sens (Promouvoir Optimiser Matérialiser et Motiver l’éveil des Sens) qui organise, entre autres, des ateliers autour de la découverte des aliments et du goût. (Photo : JDupire)

Pouvez-vous nous expliquer l’importance des sens dans l’alimentation ?

Le plaisir, un des piliers de l’alimentation, fonctionne avec les 5 sens (goût, odorat, toucher, vue, ouïe). Lorsqu’un enfant découvre un aliment, il doit le sentir, le manipuler, le toucher et bien sûr le goûter. Manger demande toute l’attention. Je me souviens d’un petit garçon reçu en consultation qui m’avait raconté qu’un jour où il mangeait en regardant la télé, il s’était resservi parce qu’il ne se souvenait plus s’il avait déjà mangé ou pas ! Lorsqu’on mange en regardant un écran non seulement on n’est pas concentré sur les aliments, on passe à côté des goûts et des saveurs, mais on mange jusqu’à 30 % de plus.

Comment faire lorsque son enfant n’aime pas un aliment ?

On peut goûter mais ne pas aimer, ce n’est pas grave. Un enfant ne naît pas en aimant tous les aliments. Lorsqu’un enfant dit « j’aime pas », c’est normal. Après la diversification, entre 18 mois et 2 ans, l’enfant se rend compte qu’il est un individu à part entière.

L’erreur des adultes, c’est de répondre au goût des enfants.

Pendant cette période il a tendance à rejeter tout ce qui est nouveau. C’est important de faire participer l’enfant. S’il n’aime pas un aliment, vous pouvez lui demander ce qu’il mettrait avec pour que ce soit bon. Dans son assiette, l’enfant peut avoir un peu d’un aliment qu’il n’aime pas avec beaucoup d’autres aliments qu’il aime bien. On lui demande de faire un effort, on pose un cadre, Il faut se mettre dans une dynamique de mouvement, stimuler l’enfant pour qu’il accepte de goûter. L’erreur des adultes, c’est de répondre au goût des enfants.

Comment éduque-t-on son enfant au goût ?

L’apprentissage se fait jusqu’à 12 ans environ. Il faut laisser les enfants faire leurs propres expériences. Vers 7 ou 8 mois par exemple, certains enfants ont besoin de toucher la nourriture, de la prendre avec les doigts. Pour ça, ils ont besoin d’avoir de la nourriture en morceaux. Si vous êtes un parent pressé et vous donnez de la purée liquide parce que c’est plus facile, plus tard votre enfant ne supportera pas les morceaux et à 2 ans, il aura toujours un réflexe de succion, même en mangeant des yaourts.

Si votre enfant apprend à aimer un aliment avec l’assistante maternelle et pas avec vous, ça n’est pas grave.

Une solution quand on est pressé, c’est de faire goûter des morceaux de légumes dans sa propre assiette. Quand votre enfant est un peu plus grand, vous pouvez l’emmener au marché. Vous pouvez demander à votre enfant de choisir des aliments qui lui font envie. Le marché permet de regarder, de toucher et parfois même de goûter les aliments. Ensuite, vous préparez le repas avec les aliments choisis, vous regardez comment vous pouvez les cuisiner, vous en parlez : c’est important de discuter autour des aliments.
En cas de problème, mieux vaut également en parler. Il ne faut surtout pas s’enfermer. Souvent les parents attendent trop longtemps. Vous devez accepter le problème, prendre du recul, en parler autour de vous, consulter si besoin etc. Et surtout, vous devez vous dégager de toute culpabilité, dédramatiser et savoir déléguer : si votre enfant apprend à aimer un aliment avec l’assistante maternelle et pas avec vous, ça n’est pas grave.

Et avec un enfant plus grand ou un ado ?

Pour poursuivre l’éducation au goût, vous pouvez par exemple proposer une sortie au restaurant. Votre ado met ses belles baskets et vous allez en famille partager un moment autour de plats que vous n’avez pas l’habitude de manger. Vous vous faites goûter les plats, vous échangez sur la nourriture, et encore une fois, vous en parlez, vous verbalisez autour de ce que vous mangez. À la maison, il faut essayer de mettre les ados à contribution. Les faire cuisiner, participer, s’intéresser à leurs envies.

Tout le monde n’a pas forcément ni les moyens, ni le temps de faire tout ça…

Bien entendu. Et tout le monde ne sait pas cuisiner non plus. Si vous avez l’habitude des aliments préparés, vous pouvez prendre le temps de faire un point sur les aliments que vous aimez. Par exemple, les compotes : lorsque vous allez faire les courses, vous achetez trois sortes de compotes différentes et vous les goûtez. Au moment du repas, vous en parlez à table, vous échangez sur la compote que les uns et les autres préfèrent et pourquoi vous la préférez à une autre. Dans un second temps, vous pouvez acheter des pommes ou aller en cueillir dans un verger en passant par une association, et recommencer l’expérience. Vous achetez plusieurs sortes de pommes différentes, vous les goûtez, vous en discutez en famille. Si vous avez le temps, vous pouvez essayer de préparer vous-même une compote. Et il ne faut pas hésiter à vous faire accompagner et à vous renseigner sur les associations de quartiers qui existent. Vous pouvez aussi interpeller l’école ou l’établissement scolaire et vous rapprocher des centres socioculturels qui organisent souvent des ateliers de cuisine, où vous pourrez apprendre à cuisiner des aliments que vous ne connaissez pas forcément et à vous ouvrir à d’autres cultures.

Angéline, maman d’une petite fille de 7 mois : "pour moi, l’allaitement est primordial".

Angéline est infirmière et naturopathe. Elle est maman d’une petite fille de 7 mois. 

L’allaitement

"L’allaitement me paraît important, même si ça n’est pas toujours facile. On sait le bénéfice du lait maternel sur l’enfant. Il faut en discuter à la maternité ou avec son médecin traitant. Au début je ne pouvais pas allaiter, c’était trop douloureux. J’ai voulu passer au tire-lait, mais on m’a dit qu’après, ma fille ne pourrait plus téter. J’ai hésité et puis finalement je me suis écoutée. Je suis passé au tire-lait et j’ai retenté l’allaitement quand ma fille a eu 2 ou 3 mois. Ça s’est très bien passé et elle s’est mise à téter."

La crèche

"J’avais un peu peur à l’arrivée à la crèche, mais dans l’ensemble, ça s’est bien passé. Lors de l’adaptation, on nous a demandé plein d’informations sur l’alimentation de notre fille. Toutefois, c’est parfois un peu difficile de se positionner en tant que parents par rapport à la crèche qui peut difficilement faire du cas par cas. Nous avons, par exemple, dû demander à réduire un peu les quantités et à limiter les fibres qui peuvent provoquer une inflammation ou un désordre de l’intestin et jouer sur le système immunitaire."

La diversification

"Quand nous avons commencé la diversification, nous avons dû nous adapter et nous organiser un peu. Pour gagner du temps, nous nous sommes mis à mixer les mêmes légumes que nous mangeons pour notre fille. Elle mange à table avec nous, sur une chaise qui la place à hauteur de la table. Comme ça elle peut voir ce qui se passe et participer au repas."

 

Bonus : Le conseil de la naturopathe :

Il faut prendre soin de l’intestin de votre enfant. Une bonne partie du système immunitaire s’y trouve. Lors de la diversification notamment, mieux vaut bien respecter les paliers et avant un an au moins, privilégier les fruits, les légumes, le lait maternel et les omega 3 et bannir les autres aliments.

Deux guides pour vous accompagner dans l’alimentation de votre enfant

"Bien manger pour bien grandir"

Le Département de Loire-Atlantique propose un guide élaboré par des professionnels de la protection maternelle et infantile (PMI) avec des repères simples et des recommandations adaptées à chaque âge. Il a pour but d’accompagner les parents jusqu’aux 3 ans de leur enfant.

" À table tout le monde !" 

Le Département, la Caf de Loire-Atlantique et l’Agence régionale de santé (ARS) Pays de la Loire proposent en partenariat avec la Structure régionale d’appui et d’expertise (SRAE) Nutrition, un outil de dialogue entre professionnels de la petite enfance et parents pour leur permettre d’aborder plus facilement ensemble les thèmes de l’alimentation, de l’environnement du repas et de l’activité physique.

Le Guide " À table tout le monde !" a été élaboré avec des parents, des assistantes maternelles et des experts en nutrition. 

Un vidéo sur l’éveil alimentaire

Le guide est complété par une vidéo autour d’ateliers sur l’éveil alimentaire, réalisée par l’association Pommes et Sens en lien avec des Relais assistantes maternelles (Ram).

Marie-Célile Bret, diététicienne pour le programme Malin : "prenez le temps de faire les choses en douceur"

Le programme Malin informe et éduque autour de l’alimentation et de la santé nutritionnelle et propose d’abord des conseils adaptés à toutes les familles. Avec Malin, vous êtes accompagnés depuis la grossesse en passant par l’allaitement, la diversification alimentaire et l’alimentation familiale. 

En tant que parent, quel accompagnement je peux trouver en m’adressant au programme Malin ?

 

Le Programme Malin a pour objectif d’aider les parents sur l’alimentation de leurs enfants entre 0 et 3 ans et celle de la famille. La partie conseil est librement accessible en ligne ou dans votre PMI.  Vous serez également informé par la Caf par mail si vous déclarez une grossesse ou si votre enfant atteint l’âge de 5 mois. Pour les familles ayant besoin d’un petit coup de pouce budgétaire il est possible de s’inscrire pour bénéficier d’une aide sous la forme de bons de réductions utilisables dans tous les supermarchés ou de ventes en lignes réservées aux familles qui se sont inscrites en ligne ou auprès de la PMI. Pour les inscriptions en ligne, votre quotient familial de la Caf avec un justificatif vous sera demandé. Une fois inscrit vous le restez jusqu’aux 3 ans de votre enfant, sans autre démarche.

Les conseils de Marie-Cécile Bret, diététicienne de l’équipe du programme Malin :

  • Bien adapter l’alimentation de l’enfant à son âge :

À chaque âge, un enfant a des besoins différents. Entre la diversification alimentaire (entre 4 et 6 mois) et ses 3 ans, l’enfant voit ses besoins alimentaires évolués. Pour savoir comment faire évoluer ses repas, vous pouvez retrouver sur notre site des conseils, des astuces, des recettes, des guides pratiques sur les quantités et des menus types pour chaque âge.

  • Respecter le rythme de votre enfant :

Deux enfants du même âge ne réagiront pas forcément de la même façon à des nouveautés alimentaires. Alors prenez le temps de faire les choses en douceur.

Damien, papa d’un d’un ado de 15 ans : "aujourd’hui, c’est lui qui nous fait à manger".

Damien, employé de la poste, papa d’un ado de 15 ans.

Chips et soda

"Nous n’avons jamais vraiment eu de problèmes liés à la nourriture jusqu’à ce qu’il ait 13 ans. Là il commencé à nous dire qu’il n’aimait plus certains aliments qu’il mangeait jusqu’alors. On a découvert qu’il lui arrivait de sécher la cantine et de s’acheter un paquet de chips et une canette de soda qu’il mangeait avec des copains. On lui a dit "ok, tu veux passer du temps avec tes amis, pourquoi pas, mais hors de question que tu t’empiffres de saloperies."

Nouilles japonaises

"On lui a demandé ce qu’il aimerait manger à la maison et il nous a répondu "des burgers, des pizzas et des nouilles japonaises". Il était passionné de mangas et de dessins animés japonais. On a commencé à faire des burgers et des pizzas maison. Pour Noël, toute la famille s’est offert un court de cuisine japonaise où nous avons appris à fabriquer et à préparer les nouilles japonaises."

Chef une fois par semaine

"On a fini par mettre en place un calendrier et une fois par semaine, c’est lui qui prépare à manger à toute la famille. On lui donne un budget, c’est lui qui trouve la recette, fait les courses et prépare le repas. Ça fonctionne hyper bien et on passe un bon moment. Il y a encore quelques ajustements, notamment au niveau du ménage dans la cuisine et de la vaisselle, mais ça, c’est une autre histoire."

Bahija, assure le suivi des ateliers cuisine du monde au Fil, l’espace de vie social à Pont-Château : " On découvre de nouveaux goûts, de nouvelles textures".

Bahija Lambert travaille au Fil, l’espace de vie sociale de Pont-Château. Elle s’occupe notamment du suivi des ateliers cuisine du monde. Une fois par mois, l’association organise des ateliers "cuisine du monde" où les habitants sont invités à venir cuisiner et goûter une recette qui vient d’ailleurs. 

Une fois par mois

"Tout a commencé il y a deux ans et demi avec une maman d’origine marocaine qui voulait faire découvrir la cuisine de son pays. Aujourd’hui les habitants de la commune se retrouvent tous les derniers samedis du mois pour découvrir la cuisine d’un pays. Souvent, c’est un habitant qui a des origines étrangères ou qui a voyagé, qui propose une recette."

Immersion dans une autre culture

"Tout le monde met la main à la pâte. Souvent ce sont les enfants qui s’occupent du dessert. Pendant ce temps, les adultes préparent le plat. Avant de commencer, on met tous les ingrédients sur la table et la personne qui propose la recette nous fait découvrir tous les aliments qui la composent. On les touche, on les sent, on les goûte. On regarde une carte du monde pour situer le pays, on essaye d’en apprendre le plus possible. Pendant la préparation, on écoute de la musique typique du pays d’où vient la recette. Il arrive même que les participants s’habillent en habits traditionnels." 

Découverte culinaire

"Cela permet de faire de belles découvertes culinaires, de rencontrer des aliments et des saveurs qu’on ne connaît pas forcément. Je me souviens par exemple de l’utilisation de la patate douce en dessert. Certains avaient des doutes, notamment les enfants. Et puis, quand ils ont vu que les plus grands ou leurs parents goûtaient, ils ont goûté eux aussi. Il y a un phénomène de groupe. Tout le monde a envie de participer."

Les réponses de Marie-Claire Thareau à vos questions posées sur notre groupe Facebook

Nous vous avions sollicité sur la page de notre groupe Facebook afin de poser vos questions à la nutritionniste Marie-Claire Thareau. Voici ses réponses : 

Notre fille de 2 ans veut systématiquement manger la même chose que son grand frère de 6 ans, comme par exemple des céréales au petit déjeuner, ne risque-t-elle pas de passer à côté d’apports importants pour son âge ? (Question posée par Élodie)

À 2 ans, on peut s’approcher de l’alimentation d’un enfant de 6 ans. Tout dépend de ce que le grand frère et le reste de la famille mangent. Si vous mangez équilibré, votre enfant de 2 ans peut tout à fait manger la même chose que vous. Par exemple pour le petit-déjeuner, un produit laitier, des fruits frais, du pain ou des céréales sans sucre comme des flocons d’avoine. En revanche si les céréales évoquées sont très sucrées ce n’est bon ni pour votre fille de 2 ans ni pour votre fils de 6 ans. Dans ce cas, essayez de mélanger les céréales sucrées avec d’autres sans sucres en augmentant progressivement le dosage des aliments moins sucrés.

Mon fils adore tout ce qui est sucré, comment faire pour limiter sa consommation ? (Question posée par Alex)

Vous pouvez, comme je le conseillais à Elodie, diminuer progressivement la consommation de sucre. Par exemple, en achetant des compotes sans sucres, en ajoutant un morceau de fruit au goûter… L’idée c’est d’élargir le champ des aliments pour aller en douceur vers ceux qui sont moins sucrés. Il faut donner au sucré une valeur d’exception. Pour le goûter, on boit de l’eau. Les boissons sucrées ne sont réservées qu’aux grandes occasions. Vous pouvez aussi préparer des aliments avec votre enfant, un gâteau par exemple, en lui montrant qu’on peut limiter le sucre ou le remplacer. Cela peut également passer par l’apprentissage du dosage. Pour le goûter ou le dessert on donne un yaourt nature et c’est l’enfant qui apprend à doser le sucre qu’il ajoute.

Mes filles (14 et 16 ans) ne souhaitent plus manger de viande lorsqu’elles n’en connaissent pas la provenance. Comme elles sont pensionnaires au lycée, j’ai peur qu’elles n’aient plus de repas équilibrés. Comment faire ? (Question posée par Sandrine)

Vos filles ont raison et vous pouvez les encourager et les soutenir. Elles peuvent, et vous aussi, demander au lycée de connaître l’origine de la viande qu’elles consomment. Certains établissements affichent d’ailleurs ces informations. Si vous et vos filles voulez vous impliquer plus, vous pouvez faire partie de la commission restauration de l’établissement.

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