Les métamorphoses de l’adolescence

L’adolescence entraîne de nombreux changements chez votre enfant, et modifie parfois la relation que vous aviez jusqu’à présent avec lui ou avec elle. Nous évoquons ces changements ou métamorphoses dans ce dossier et tentons de vous donner aussi quelques clés et réponses, à la fois pour bien accompagner votre enfant, mais aussi pour que vous, parents, vous sachiez vers qui vous tourner en cas de difficultés. Dans ce dossier, Pierre Poitou, psychologue à la Maison des adolescents de Loire-Atlantique, le Réseau des parents parfaitement imparfaits (Res’PPI) et l’association Contact 44, répondent à nos questions. Plusieurs parents témoignent de ce qu’ils vivent avec leur ado. Vous trouverez aussi les contacts de lieux de soutien et d’information et des conseils de lectures et vidéos pour aller plus loin.

Trois questions à Pierre Poitou, psychologue et responsable des antennes nord de la Maison des adolescents de Loire-Atlantique

Quelles sont les métamorphoses de l’adolescence ?

La plus grande métamorphose de l’adolescence est physiologique. Les corps changent. On se retrouve d’un coup avec un grand nez, des grands bras, des poils au menton ou de la poitrine. Les enfants se retrouvent dans un corps qu’ils ne reconnaissent plus, qui leur échappe complètement et dont ils ne savent pas forcément quoi faire. Un peu comme un costume mal ajusté. Les parents reprochent parfois à leur ado leur maladresse, mais s’ils sont maladroits, c’est qu’ils ne sont pas forcément à l’aise avec leur nouveau corps. Une des autres métamorphoses de l’adolescence, c’est l’adoption d’un nouveau code vestimentaire. Souvent inspiré par des stars ou des influenceurs sur les réseaux sociaux. C’est un moyen à la fois de se fondre dans la masse et de marquer son appartenance à un groupe. Certains feront tout l’inverse et, au contraire, marqueront leur différence en adoptant un look marqué.

Comment réagir quand on est parent ?

Les parents ont  tendance à imaginer que leur enfant est un "grand" parce qu’il a changé physiquement, grandi d’un coup, et qu’il arrive au collège alors que c’est toujours un enfant. Ce n’est pas parce qu’on est grand dans son corps qu’on est grand dans sa tête. Ce n’est pas toujours simple pour les parents. La première chose qu’on a tendance à dire à un ado mal dans sa peau, quand on est parent, c’est : " ne t’inquiète pas, ça va passer". Il ne faut pas minimiser le mal-être physique.  Un ado qui a de l’acné sur le visage ou qui a pris du poids à qui on dit :"mais tu es beau quand même, c’est rien, ça va passer" va se dire que ses parents lui mentent. Banaliser la souffrance, cela revient à l’annuler.

Quels conseils peut-on donner aux parents ?

Les parents s’attendent à ce qu’il se passe quelque chose, mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a beaucoup d’adolescences qui se passent très bien. Ce n’est facile à gérer pour les parents. Il faut à la fois garder une proximité et une disponibilité et mettre de la distance. Il faut essayer d’être attentif et d’entendre la souffrance de son enfant.  On peut dire à son ado : "j’ai l’impression que c’est compliqué en ce moment, si tu veux en parler, je suis là". Et si ça ne colle pas avec les parents, on peut renvoyer vers un autre adulte, quelqu’un de la famille ou d’extérieur comme un animateur par exemple. Pour les changements du corps, s’il y a des questions la première réponse ça peut être le médecin qui peut rassurer l’adolescent. Si le corps va bien, mais que l’adolescent va mal, un suivi psychologique peut être envisagé.

Trois questions au Réseau des parents parfaitement imparfaits (Res’PPI)

Le Réseau des parents parfaitement imparfaits (Res’PPI) soutient et accompagne les parents. Josette Lemasson-Prono, secrétaire et Philippe Morin, président du réseau, répondent à nos questions sur l’adolescence.

Au-delà du groupe de parole dédié aux parents d’ados proposé par l’association, est-ce que la question de l’arrivée dans l’adolescence ou la préadolescence de leur enfant préoccupe beaucoup les parents ?

Oui, de manière assez systématique, les parents d’ados, confrontés aux métamorphoses de leur enfant et aux modifications de comportements sont préoccupés par cette question. Les ados s’écartent de leurs parents pour se rapprocher de leurs pairs, ce qui modifie considérablement la relation parent-ados et interroge les parents qui sentent leur « enfant » devenir « grand », prendre des repères en dehors du champ familial, structurer sa pensée, prendre des positions nouvelles, parfois radicales, en désaccord avec celles des parents, etc. Les futurs parents d’ados, eux aussi, qui sentent se profiler les changements, essaient de s’y préparer. Certains parents, qui ont rencontré quelques difficultés avec leur premier ado, cherchent à anticiper pour le 2ème, ou 3ème. Enfin, lorsque nous allons à la rencontre des parents dans les quartiers nantais, nous entendons, de manière assez systématique des parents d’ados qui nous parlent de leurs difficultés, de leurs craintes ou de leurs incompréhensions.

Quelles sont les principales inquiétudes ou interrogations des parents liées aux changements de l’adolescence ?

Un questionnaire, rempli en janvier 2021 par des parents d’ados nantais, faisait ressortir notamment les préoccupations suivantes : la communication parents-ados, la charge émotionnelle, l’ambiance familiale, l’environnement (les copains, leurs fréquentations, leurs activités extra-familiales, etc.), les rôles parentaux et l’autorité parentale, les étapes clés du développement de l’ado (physiologique, psychologique), la sexualité des ados, la scolarité des ados (comment les aider dans des périodes particulières d’entrée au collège, au lycée, à faire face à des difficultés particulières telles que le harcèlement, le rapport aux plus âgés, etc.), leur relation aux écrans (trop d’écrans), leur santé (physique et mentale). Durant les phases de confinement, certains parents nous ont fait part de leur inquiétude sur les comportements à risque.

Quels conseils donnez-vous aux parents pour aborder plus sereinement ces changements ?

Au sein du Res’PPI nous ne donnons pas de conseils mais nous offrons aux parents la possibilité d’être accueillis avec leurs doutes, leurs difficultés, sans jugement, d’échanger des expériences de parents etc. Ensemble, ils peuvent prendre conscience qu’ils partagent les mêmes difficultés et les mêmes interrogations et se fournir mutuellement de nouvelles pistes, des trucs et astuces utilisés dans leur relation avec leurs ados. Bien souvent, les parents repartent apaisés, un peu déculpabilisés et emportent quelques nouvelles idées à essayer avec leurs ados.

Trois questions à Jérôme Brethomé, président de l’association Contact 44

Jérôme Brethomé est président de l’association Contact 44 qui favorise le dialogue entre les parents, les lesbiennes, gays, bi et trans, leurs familles et ami·e·s. L’association propose notamment des groupes d’écoute et de parole entre parents et jeunes concernés.

Recevez-vous beaucoup de parents d’ados dans vos groupes d’écoute et de parole ?

En effet, ce sont essentiellement des parents qui viennent nous voir. Depuis quelques années, je dirais qu’environ 70 % des demandes sont en lien avec la transidentité, pour des jeunes qui ont majoritairement entre 14 et 17 ans. La société a évolué sur cette question et les parents s’autorisent de plus en plus à s’interroger, à en parler ouvertement, et à accompagner leur enfant le plus tôt possible.

Quelles sont les préoccupations principales des parents ?

Beaucoup de parents sont dans l’incompréhension ou le désarroi. Souvent ils disent qu’ils n’ont "rien vu venir" et qu’ils ne se sentent pas prêts. C’est vrai qu’un parcours de transition est souvent beaucoup plus visible par le monde extérieur que l’affirmation d’une orientation sexuelle, de fait plus intime, et pose des questions aussi bien sur le regard de la société que d’autres beaucoup plus terre à terre comme les modifications administratives. Ainsi certains parents se sentent eux-mêmes fragiles vis à vis de l’image qu’on a d’eux et de leur enfant.

Comment accompagnez-vous ces parents ?

Chaque parcours est unique, mais nous proposons aux parents de participer à nos groupes d’écoute et de parole pour rencontrer d’autres familles qui vivent ou qui ont vécu la même situation. Cela permet de relativiser et d’accompagner l’acceptation. Beaucoup de parents nous rendent compte de l’importance qu’a eu pour eux le fait d’avoir un espace de parole bienveillant et sécurisant avec des "paires" et d’autres jeunes concernés. Nous leur conseillons également de rester à l’écoute de leur enfant, de rester ouvert sans forcément vouloir comprendre tout, tout de suite, coûte que coûte, de ne pas aller plus vite que les interrogations de leur ado. Et bien-sûr, quoiqu’il arrive, de continuer à dire et à montrer à son enfant qu’on l’aime de manière inconditionnelle.

 

Pour contacter l’association Contact 44 pour un rdv ou connaître l’agenda et les lieux de leurs groupes d’écoute et de parole, retrouvez les infos sur leur site internet GEP Contact 44

Témoignages

François et Sophie sont les parents de Manuel, un garçon de 15 ans. Ils vivent à Rezé.

"Ça a été assez bizarre, se souvient Sophie. Manuel est un garçon très doux, très à l’écoute, que ce soit en famille, avec nous, avec sa petite sœur ou avec ses copains et copines ; les gens en général. Plus jeune, il était très blond avec un visage très enfantin et une voix douce. Comme ça, ça sonne un peu comme une caricature, mais c’est pour mieux expliquer le changement. Vers 13 ans et demi, sa voix a changé, elle est devenue plus grave. Un peu plus tard, il s’est allongé d’un coup. Il a pris 7 ou 8 centimètres en un été. C’était très perturbant de voir le même petit garçon doux et charmant avec ce grand corps et cette grosse voix qui continuait à jouer avec sa sœur et avec les gamins du quartier comme avant. Il va me maudire s’il lit ça, mais avec son père, à ce moment là, on trouvait qu’il avait l’air un peu nounouille."

"C’était comme s’il ne s’était pas rendu compte que son corps avait changé, confirme François. Il sortait encore de la salle de bain tout nu et venait nous voir pour qu’on lui frotte le dos, sauf que bon, il avait un corps d’adulte et que c’était un peu gênant pour nous. Mais visiblement pas pour lui". "Nous on s’attendait à de la confrontation, des disputes, des claquages de portes ; rien de tout ça -  en tout cas pour l’instant, continue Sophie. Certes, ses centres d’intérêt ont évolué, il passe plus de temps tout seul dans sa chambre et grogne un peu parfois quand on veut l’emmener en balade avec nous, mais sinon, ça se passe plutôt bien."

Stéphane et Alma sont les parents de Jade, une fille de 14 ans. Ils vivent à Indre.

"Je vis très mal ce qui se passe en ce moment avec Jade, commence Alma. J’ai toujours été très proche de notre fille. Pas au point de rentrer dans le truc "ma mère c’est comme une copine", mais nous avons toujours beaucoup discuté, échangé et partagé. Je m’imaginais déjà, à l’adolescence, discuter avec elle des changements de son corps, de ses nouvelles aspirations, de ses peines de cœur etc. Pas du tout ! Du jour au lendemain, elle n’a plus voulu avoir à faire à moi. Tout ce que je disais ou lui proposais la "saoulait". Et ça fait maintenant plus d’un an que ça dure. On est passé d’une relation fusionnelle à une relation conflictuelle. Elle est très dure avec moi. Elle me dit souvent, par exemple, que je m’habille mal ou que je lui fais honte."

"Elle est moins fermée avec moi, mais ce n’est pas simple non plus, poursuit Stéphane. Elle joue beaucoup de son conflit avec sa mère. Si sa maman lui refuse quelque chose, elle tente le coup avec moi et lorsque je dis que suis d’accord avec sa maman, elle s’énerve, me traite de mouton ou de suiveur. Nous avons essayé d’en parler tranquillement avec elle, mais ce n’est pas facile. On tient le coup en disant que ça va passer et que tant que ce n’est qu’une posture et qu’elle ne se met pas en danger ou qu’il n’y a pas de réelle agressivité ou de méchanceté, il faut que nous prenions notre mal en patience".

David et Adèle sont les parents de Mattéo, un garçon de 15 ans. Ils vivent à Donges.

"Mattéo a toujours été un peu turbulent, un peu casse-cou, raconte David. Nous savions que l’adolescence allait nous réserver des moments difficiles. Et bien ça n’a pas loupé. À 14 ans, avec un copain, ils ont séché les cours, ont "emprunté" le scooter d’un copain et sont allés au Macdo et ont payé avec ma carte bleue que Mattéo avait volé dans mon portefeuille. Ce n’est qu’un exemple, mais -  et ça peut paraître dur - c’est exactement le genre de conneries auxquelles je m’attendais. J’aurais pu l’écrire quand il avait 8 ans." "Il n’est pas désagréable avec nous, continue Adèle, au contraire, à la maison il nous aide, il est avenant. Mais en dehors du cadre familial, il fait n’importe quoi".

 

Les lieux d’information, d’écoute et de soutien pour les ados et leurs parents

La Maison des adolescents de Loire-Atlantique (MDA)

La Maison des adolescents de Loire-atlantique (MDA) est un lieu d’écoute, d’information et d’accompagnement pour les adolescents. Elle s’adresse aux jeunes âgés de 11 à 21 ans. L’accès est gratuit et confidentiel.

L’école des parents et des éducateurs de Loire-Atlantique (Epe 44)

Avec l’Epe 44, vous pouvez par exemple discuter avec un psychologue du harcèlement à l’école, évoquer votre place de père lors d’une séparation, ou encore débattre des risques liés aux écrans chez les ados.

Le Réseau des parents parfaitement imparfaits (Res’PPI)

Le Réseau des Parents Parfaitement Imparfaits (le Res’PPI) est un mouvement de parents engagés pour faire valoir une parentalité positive, responsable et citoyenne. Ses adhérents militent pour remettre la famille au centre de la cohésion sociale, donner la parole aux parents et leur permettre de faire valoir leur pouvoir d’agir au quotidien dans l’éducation de leurs enfants.

Les points d’accueil et d’écoute jeunes (PAEJ)

Les Points d’accueil et d’écoute Jeunes (PAEJ) sont des structures qui accueillent sans condition, gratuitement et de façon confidentielle les jeunes de 12 à 25 ans ou les parents, seul ou en groupe.

Les missions locales 

Les Missions locales offrent aux jeunes leur assistance en matière d’insertion sociale et professionnelle (information, orientation, accompagnement, soutien en matière d’emploi, de formation, de santé, de logement, etc.).

Le Centre régional information jeunesse (Crij)

Votre ado peut  également se faire accompagner par le Centre régional information jeunesse (Crij) qui propose de l’aide notamment pour trouver un premier emploi ou un emploi saisonnier.

Les centres socioculturels

Les centres socioculturels peuvent organiser des rencontres et des débats entre parents, parfois avec l’intervention d’un professionnel ou d’une professionnelle (psychologue etc.). 

Le parrainage de proximité

Le parrainage de proximité permet à votre ado de construire une relation particulière avec un autre adulte que vous ou l’autre parent. Avec ce parrain ou cette marraine, il peut partager et échanger sur des thèmes qui ne lui sont pas forcément familiers et ainsi s’ouvrir au monde et à des univers nouveaux. 

Nosig, le centre LGBT+ de Nantes

Nosig regroupe plusieurs associations qui pourront vous accompagner vous et votre enfant sur les questions de genre et d’orientation sexuelle.

 

Vous souhaitez échanger avec d’autres parents ?

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