Petits et grands mensonges, peut-on mentir aux enfants ?

Parfois, mentir ou ne pas dire toute la vérité peut-être tentant. Nos vies d’adultes et de parents peuvent nous confronter à des situations compliquées. Parce qu’on ne sait pas comment expliquer, parce que la situation est difficile pour nous, parce qu’on n’a pas le temps, parce qu’on n’ose pas, parce qu’on a peur... les occasions de contourner la vérité sont nombreuses. Nous n’allons pas vous mentir : le mensonge peut avoir un impact sur votre enfant. Mais il n’y a pas de vérité absolue non plus. Le contexte familial et personnel est important et comme souvent, c’est dans la nuance et la différence que se trouvent les réponses.

"Le mensonge et la vérité sont des mots d’adulte"

Qui n’a jamais menti de sa vie ? Ou au moins, arrangé la vérité ? Qu’on en soit l’auteur ou la victime, le mensonge fait partie de nos vies d’adulte. Dès lors, lorsqu’on devient parent, comment aborder cette question dans l’éducation de son enfant ? Pierre Poitou, psychologue qui travaille avec la Maison des adolescents de Loire-Atlantique avertit d’emblée : "le mensonge et la vérité sont des mots d’adulte. Le monde de l’enfant est un monde de fantaisie. Le cerveau de l’enfant a une capacité à annuler ce qui lui déplaît. Le rapport à la vérité d’un enfant n’est pas le même que celui d’un adulte. Ce rapport se construit dans le temps et il est basé sur la confiance. L’enfant doit comprendre quel est l’avantage pour lui de dire la vérité." 

Dire la vérité et rassurer l’enfant 

Le mensonge ou la transformation de la vérité, sont parfois utilisés par les parents pour protéger leur enfant. "La vérité est parfois très difficile à dire. D’abord parce que c’est dur pour l’adulte lui même. Parfois on a peur de ce qu’on va déclencher en disant la vérité", explique le psychologue.

"Le rapport à la vérité d’un enfant n’est pas le même que celui d’un adulte", Pierre Poitou, Psychologue.

Aurélie a 42 ans et vit à Basse-Goulaine. Elle est maman de trois enfants. Pour elle d’une manière générale, "il faut montrer l’exemple et ne pas mentir aux enfants, c’est une question de confiance". Une confiance d’autant plus importante pour cette maman dont un des enfants est malade : "si je dis à mon fils, "ça va aller", il faut que ça aille. En revanche, je ne veux pas l’angoisser pour rien. Il m’arrive parfois de contourner la vérité pour valoriser le côté positif, de ne pas répondre "oui" ou "non", mais plutôt "on verra" ou de dire "oui, ça va être douloureux, mais après tu iras mieux". Pierre Poitou abonde dans ce sens : " de toute façon, les enfants entendent, comprennent et sentent les choses. Il faut dire la vérité, mais en rassurant l’enfant". 

La tentation du mensonge chez l’enfant ou l’adolescent

"Mentir, c’est mal". Voilà une phrase qui revient souvent dans la bouche des parents lorsqu’ils s’adressent à leur enfant. Pierre Poitou s’en amuse un peu et nous donne un exemple : " Très souvent, les parents martèlent à leur enfant qu’il ne faut pas mentir. Pourtant, parfois, ils donnent le mauvais exemple sans forcément s’en rendre compte. Imaginez que vous êtes chez vous un soir et que le téléphone fixe sonne. Vous êtes occupé et vous demandez à votre enfant de répondre. C’est un démarcheur commercial. Vous dites à votre enfant de répondre que vous n’êtes pas là. Vous demandez donc à votre enfant de mentir." Le Psychologue insiste : "L’enfant va se poser la question de l’intérêt qu’il a à dire la vérité. Imaginons que vous êtes un enfant de 6 ans et que vos parents vous ont bien dit de ne pas parler aux inconnus dans la rue. Un jour, un monsieur qui s’est perdu vous demande son chemin et comme vous connaissez la réponse, vous lui répondez. En rentrant le soir vous le dites à vos parents qui vous grondent. Vous allez vous poser la question de l’intérêt de dire la vérité si c’est pour vous faire engueuler ensuite." Pierre Poitou rappelle toutefois qu’en revanche, "vouloir faire systématiquement avouer la vérité à un enfant est une position éducative de pouvoir et non d’autorité".

L’enfant ou l’ado ment pour protéger ses parents

On l’a compris, l’enfant est une éponge. Il perçoit les choses qui l’entourent et comprend beaucoup plus que les adultes ne le pensent. "Les enfants sont très compréhensifs. Il m’est arrivé de travailler avec des enfants en phase terminale de maladie qui me disaient "je sais que je vais mourir, mais il ne faut pas le dire à mes parents sinon ils vont être tristes", raconte Pierre Poitou. Pour le psychologue, "le contexte familial est très important, notamment le degré d’intensité de la relation entre les parents et l’enfant ou l’ado. Ça n’a pas forcément un rapport avec l’éducation. Si l’enfant ou l’ado voit ou croit voir que ses parents ne vont pas bien, il ne va pas avoir envie d’en rajouter une couche."

Les mensonges de l’enfance ont des répercussions sur l’adolescence

"L’adolescence est parfois considérée par les parents comme une seconde naissance", rapporte Pierre Poitou. Pourtant, le rapport à la vérité et au mensonge qui s’est construit dans l’enfance peut avoir des répercussions au moment de l’adolescence. Yolande Perrouin est responsable de la coordination des Techniciens et techniciennes de l’intervention sociale et familiale (TISF) pour l’Association nantaise d’aide familiale (Anaf). Pendant plusieurs années, elle a été médiatrice dans le cadre de médiations parents-adolescents.

"C’est important de discuter et que chacun reprenne sa place", Yolande Perrouin, coordinatrice TISF à l’Anaf.

Elle se souvient : " J’ai rencontré beaucoup de familles dont les parents étaient séparés depuis longtemps sans que ça ne pose de problèmes visibles, jusqu’à l’adolescence où tout a rejailli. Souvent les enfants, faute d’explications suffisantes, s’étaient fait leur propre idée au moment de la séparation, une idée qu’ils ont entretenue avec leurs souvenirs, les mots qu’ils avaient entendu à l’époque, parfois de la culpabilité."

Il faut impliquer l’enfant

Que ce soit une séparation ou une autre situation compliquée, les parents, parce qu’ils se sentent coupables, ont parfois du mal à assumer et à expliquer les choses. "On se retrouve avec des ados et des parents qui ne sont pas à leur place dans la famille. Cela peut générer beaucoup de souffrance et de rancœur. C’est important de discuter et que chacun reprenne sa place, et dès l’enfance, impliquer l’enfant sans se servir de lui et en le rassurant", précise Yolande Perrouin.

Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire ?

Il arrive que la vérité paraisse tout simplement trop difficile à dire. Aurélie raconte : " La perte d’un proche c’est violent pour la famille. Mon conjoint a perdu ses deux parents la même année. Ça a été très dur pour la famille. Je n’ai pas dit aux enfants "mamie va mourir", en revanche, je leur ai dit de profiter des moments avec elle. Et lorsqu’elle est décédée, je n’ai pas dit qu’elle n’était plus là, au contraire, j’ai expliqué qu’elle serait toujours là, en photo, dans les pensées et les souvenirs."

"La perte d’un proche c’est violent pour la famille", Aurélie, maman de trois enfants. 

Pour Pierre Poitou, lorsqu’un adulte perd un de ses parents ou un proche, "son premier réflexe, c’est de se préserver lui". Le psychologue explique que "les enfants ont un rapport à la mort très différent de celui des adultes, notamment un rapport à l’affect qui n’est pas le même". Pour lui, même si c’est difficile, il vaut mieux dire la vérité. " Lorsqu’on ne dit pas la vérité, on alimente une machine à gonfler l’imaginaire et on laisse les enfants se faire des films. La vraie question, c’est de savoir comment on dit la vérité, comment on l’annonce, comment on fait pour qu’elle remue et bouscule moins".

Dire la vérité autrement, mais la dire quand même.

Pour Pierre Poitou, " il faut se saisir des questionnements de ses enfants. On a le droit de ne pas être prêt et de botter en touche. Si vous êtes mal à l’aise, vous pouvez dire à votre enfant que vous lui répondrez un peu plus tard. Cela vous permet de préparer votre réponse et dire la vérité autrement." À chacun, suivant le contexte familial et son vécu, d’aborder cette question. "Il n’y a pas de règles, c’est vraiment au cas par cas et dans la nuance", insiste le psychologue qui rappelle quand même que "les familles qui ont des secrets vont mieux quand elles commencent à en parler."

Et le Père-Noël dans tout ça ?

À l’approche de décembre et parce que l’histoire dépasse les cultures et les convictions personnelles, nous avons voulu poser la question du Père-Noël. Une interrogation valable pour l’ensemble des contes et légendes qui nourrissent l’imaginaire des enfants. Pour Pierre Poitou, " Cela dépend vraiment des familles. Suivant votre culture et vos convictions, vous ne fêtez peut-être même pas Noël. Mais c’est une histoire connue des enfants. Ils vont forcément en entendre parler. Je ne suis pas sûr que de dire la vérité sur le Père-Noël aux enfants casse la magie de Noël. On reste dans la rêverie enfantine, dans la fantaisie. Quoiqu’on leur dise, souvent les enfants aiment y croire. Vous pouvez dire à votre enfant que vous ne croyez pas à cette histoire mais quand même la lui raconter pour qu’il se fasse sa propre idée et éviter qu’il ne se retrouve en porte à faux à l’école où d’autres enfants risquent de dire à votre enfant que si, c’est vrai. Ce qu’il faut éviter en revanche, c’est d’en faire un levier éducatif du genre "si tu n’es pas sage, le Père-Noël ne te fera pas de cadeaux". 

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