Les impacts des conflits parentaux sur les enfants

Personne n’est parfait. Il peut arriver qu’une dispute éclate au sein de votre couple. Mais qu’en-est-il lorsque votre enfant est témoin de ces crispations ? Dans ce dossier, le psychologue Nicolas Peraldi rappelle la différence fondamentale entre le couple conjugal et le couple parental. Être parent vous donne des droits, mais aussi des devoirs, notamment celui de protéger votre enfant. Et éviter qu’il se trouve confronté à vos soucis de couple, même lors d’une séparation où l’enfant peut vite se faire instrumentaliser, cela fait partie de la protection que vous devez à votre enfant. Quoiqu’il arrive, le dialogue et l’écoute sont à privilégier. Et si vous n’y arrivez pas seuls, il existe des structures et des ressources pour vous accompagner. 

Retrouvez les témoignages d’Anne-laure, Sébastien et Lyse

Anne-Laure a 37 ans et vit à Grandchamps-des-Fontaines. Elle est séparée de son conjoint depuis 2 ans. Ensemble ils ont eu deux enfants, un garçon de 4 ans et une fille de 7 ans.

"C’est vraiment l’éducation des enfants qui a fait basculer notre couple. Nous n’étions pas - et nous ne le sommes toujours pas - d’accord sur la façon d’éduquer nos enfants. C’est pourtant quelque chose dont nous avions discuté avant d’en avoir. C’est déjà difficile d’éviter les disputes de couple aux enfants, mais lorsque cela les concerne directement, ça devient vite l’enfer. Moi j’ai toujours été intéressée par les principes de l’éducation bienveillante. J’essaye d’être dans une démarche de dialogue avec mes enfants, de ne pas m’énerver contre eux, de ne pas les punir, mais de leur expliquer les choses. Mon ex-conjoint est, à mon sens, beaucoup plus strict, voire sévère. Du coup, nous n’étions jamais d’accord. Comme on voulait éviter les disputes devant les enfants, il y avait beaucoup de tensions et de non-dits et lorsque les enfants n’étaient plus là, ça montait vite dans les tours. En plus, chacun cherchait du soutien chez les amis, la famille et cela a crispé toutes nos relations. Je lis souvent ou j’entends dire qu’il faut discuter, ne pas laisser la situation s’envenimer, mais lorsqu’on est pris dans le quotidien, ce n’est pas si simple."

Sébastien a 42 ans et vit à Vallet. Il est séparé de sa conjointe depuis 5 ans. Ensemble ils ont eu deux enfants. Sébastien a eu un autre enfant avec sa nouvelle compagne.

"Sans nous en rendre compte, depuis longtemps, les disputes faisaient partie de notre fonctionnement de couple. Nous nous engueulions souvent. En voiture, à la maison, au supermarché... quasiment chaque situation donnait lieu à une dispute. Mais cela ne durait jamais longtemps et n’affectait pas notre couple. Nous faisions avec. C’était même quelque chose que nous revendiquions auprès de nos proches en leur disant : "un couple qui s’engueule, c’est un couple sain". Lorsque nous avons eu notre premier enfant, nous avons continué à fonctionner comme ça un temps. À un moment, nous avons dû faire appel à une assistante maternelle. Au bout d’une semaine, elle nous a dit que notre enfant avait un comportement agressif avec les autres enfants, qu’il était colérique et qu’il leur parlait mal. Nous sommes tombés de haut. Nous en avons parlé autour de nous et, un peu gênés, certains de nos proches nous ont dit que ça ne les étonnaient pas beaucoup vu notre comportement au quotidien. Nous avons donc commencé à faire attention. Mais nous étions trop habitués à vivre en couple de cette façon. Au fil du temps, les disputes retenues sont devenues des non-dits et ça a fini par avoir raison de notre couple."

Lyse a 19 ans et vit à Nantes. Elle se souvient des disputes de ses parents lorsqu’elle était enfant.

"Mes parents se sont séparés quand j’avais 11 ans. Franchement, je ne sais pas pourquoi ils ne l’ont pas fait avant. Je ne me souviens pas de les avoir vus avoir des gestes ou des paroles tendres, des trucs d’amoureux. Ils passaient leur temps à se crier dessus et du coup, ils nous criaient aussi dessus à moi et mes frères. Je me souviens d’une fois ou ma mère avait claqué la porte de la chambre tellement fort que le mur s’était fissuré. Je ne veux pas faire de la psychologie de comptoir, mais aujourd’hui je pense que ça a une influence sur mes relations, et pas seulement sur les relations amoureuses. Je ne supporte pas qu’on hausse la voix contre moi, même un bruit un peu fort me crispe et j’ai énormément de mal à faire confiance aux gens."

En cas de séparation : échange avec l’équipe de l’espace de rencontre Linkiaa Cap familleS de Basse-Goulaine

L’association Linkiaa Cap familleS a ouvert un nouvel espace de rencontre à Basse-Goulaine. L’espace de rencontre est un lieu où le parent non hébergeant (celui ou celle chez qui l’enfant ne vit pas), peut rencontrer son enfant.

Accompagner l’enfant de façon neutre

"C’est un lieu qui permet à l’enfant, lorsque qu’il n’y a pas ou plus d’arrangement possible entre les parents, de rencontrer l’autre parent", détaille l’équipe de l’espace de rencontre de Basse-Goulaine. "Cela peut soulager l’enfant de savoir qu’il va pouvoir voir son autre parent sans forcément que ses deux parents se croisent, sans que cela ne provoque une dispute". Ce dispositif, souvent ordonné par le Juge des Affaires familiales (JAF), est généralement mis en place pour 6 mois et n’est renouvelable qu’un an au maximum. « Nous sommes là pour soutenir et accompagner l’enfant de façon neutre. Nous ne faisons pas de compte rendu de la visite aux parents et aux juges", souligne l’équipe. Les parents peuvent aussi se mettre d’accord pour solliciter cet espace à titre conventionnel, c’est à dire dans le cadre d’une entente à l’amiable en dehors du circuit judiciaire. Ce service est gratuit.

Renouer une relation, sortir du conflit de loyauté

N’importe quelle famille peut se retrouver confrontée à une situation conflictuelle empêchant un accord entre les parents à propos des droits de visite des enfants. "Au moment de la séparation, le mal être des parents peut être profond et les conflits exploser pouvant mettre à mal l’enfant", rappelle l’équipe. Un passage par un espace de rencontre peut être intéressant pour l’enfant : pour renouer une relation, pour sortir du conflit de loyauté dans lequel il peut se trouver, pour maintenir un lien le temps que le conflit parental s’apaise et que d’autres solutions puissent être envisagées par les parents.

Des groupes de parole pour les enfants de parents séparés

En cas de séparation, le conflit qui oppose les deux parents peut avoir un impact important sur l’enfant. Linkiaa Cap familleS a mis en place des groupes de parole pour les enfants (de 6 à 11 ans) de parents séparés afin qu’ils puissent échanger sur leur situation. "Lors d’une séparation, l’enfant se retrouve avec des parents qui ne vont pas bien et qui sont moins attentifs à ses préoccupations. De leur côté, les enfants peuvent avoir tendance à mobiliser de l’énergie pour faire en sorte que leurs parents aillent mieux. Ils vont être accaparés par la situation et être, par exemple, moins attentifs à l’école, avoir des troubles du sommeil, etc. »

Les groupes de parole d’enfants de parents séparés s’organisent en quatre étapes : 

  • La première rencontre est un temps d’échange avec les enfants où ils évoquent leur famille avec divers outils d’expression (pâte à modeler, dessins, figurines, mots). C’est souvent l’occasion de commencer à parler de la séparation et de partager ce que chacun vit. Les enfants réalisent qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation.

  • Puis lors de la deuxième séance, les enfants sont invités à évoquer la séparation de leurs parents. Ils expriment leurs émotions (tristesse, colère, soulagement...) et leurs questions (« est ce de ma faute ? » « est ce que je vais changer d’école ? »).

  • À la troisième séance, les enfants préparent un message commun qu’ils souhaitent transmettre aux parents. Tous les moyens d’expressions sont possibles, théâtre, dessins... les messages sont « les disputes, ça fait mal ! » « j’ai besoin de vous savoir heureux ! ».

  • Et enfin à la dernière rencontre, les parents sont invités tous les deux (si cela est possible), pour écouter et voir les messages qu’ont préparé les enfants. Une fois que les enfants ont exprimé ensemble ce qu’ils avaient à dire, les parents à leur tour (sans obligation) apportent une réponse collective aux enfants. Ils prennent ainsi conscience des effets de la séparation sur les enfants.

Pour l’instant, le contexte sanitaire ne permet pas de mettre en place des groupes de parole, mais vous pouvez appeler Linkiaa Cap familleS pour prendre rendez-vous car les groupes reprendront dès que possible.

Nicolas Peraldi, psychologue : "Les parents ne doivent jamais se disputer devant leur enfant"

Nicolas Peraldi est psychologue. Il travaille notamment avec l’École des parents et des éducateurs de Loire-Atlantique (Epe 44) et la Caf.

Est-ce grave de se disputer devant son enfant ?

On peut commencer par un grand principe :  les parents ne doivent jamais se disputer devant leur enfant, quel que soit son âge. Le couple conjugal n’est pas le même que le couple parental. De la même façon, l’enfant ne doit pas être pris à partie. Il n’a pas à dire qui a tort ou raison. Si l’un des parents se sert de lui, l’enfant va se retrouver pris dans un conflit de loyauté. Deux personnes qui s’aiment et qui vivent ensemble forment un couple conjugal. À partir du moment où ce couple décide d’avoir un enfant et a un enfant, les membres du couple se reconnaissent comme parents de cet enfant. Lorsque que ces deux personnes se disputent, c’est en tant qu’individus, pas en tant que papa ou maman. Devenir parent, cela entraîne des devoirs. C’est un peu comme le permis de conduire. On a le droit d’apprendre, mais il y a des règles à respecter. 

Et en cas de séparation ?

La séparation en elle-même, n’est pas forcément problématique pour l’enfant lorsqu’elle est expliquée. Ce qui risque de le perturber, ce sont les disputes autour de cette séparation. C’est bien le couple conjugal qui se sépare. On reste père ou mère de son enfant toute sa vie. Le conflit qui peut vous opposer à votre conjoint ou à votre conjointe ne regarde pas votre enfant. Le risque en cas de séparation, c’est que l’enfant se sente obligé de choisir. Il se retrouve à nouveau face à un conflit de loyauté et ça peut être dévastateur. Cela revient à l’amputer de quelque-chose.

Justement, quelles sont les conséquences de nos disputes d’adultes sur les enfants ?

Le sentiment de culpabilité se développe très rapidement chez l’enfant. En entendant ses parents se disputer, en les voyant tristes ou en colère, l’enfant va se dire "c’est de ma faute". Prenons exemple : votre enfant a fait une bêtise à l’école. En rentrant à la maison, il vous voit vous disputer avec votre conjoint ou votre conjointe. Même si cela n’a aucun rapport, votre enfant peut faire le rapprochement et penser que c’est à cause de sa bêtise que vous vous disputez. Il va culpabiliser. Et même si cela reste de l’ordre du fantasme pour l’enfant, ce n’est pas sans conséquences. Les conflits parentaux peuvent entraîner des troubles du sommeil, de l’alimentation ou du comportement. Il faut être vigilant dès la naissance et même avant. Un bébé qui naît dans un environnement difficile peut montrer des signes d’insécurité si tout ne va pas bien au moment où il créée ses liens d’attachement avec ses deux parents. Entre 0 et 3 ans, cela peut se caractériser par des troubles du sommeil. S’endormir, c’est se sentir en sécurité. Plus tard, cette même insécurité peut se matérialiser sous la forme d’une certaine agitation de l’enfant. On parle beaucoup de l’hyperactivité, mais l’agitation d’un enfant peut être la conséquence d’une instabilité familiale. Un enfant a besoin de se sentir en sécurité, cela permet de développer la confiance en soi, mais aussi la confiance en les autres. Plus tard encore, à l’adolescence, l’enfant aura tendance à contester encore plus l’autorité qu’un ado normal, il ou elle pourra rencontrer des difficultés dans les apprentissages ou être sujet à la dépression. Dès le début et tout au long de sa vie d’enfant et d’ado, l’enfant a besoin que ses parents soient disponibles, s’intéressent à ce qu’il vit et l’accompagnent. Et puis, il y a également un risque d’incidence pour la vie d’adulte de votre enfant. Un enfant observe comment ses parents se comportent et plus tard, dans la même situation, il pourra reproduire le même comportement sans s’en apercevoir.

Il peut aussi arriver qu’on s’énerve contre son enfant...

On doit être capable de dire non à son enfant. Si vous vous énervez contre votre enfant ou contre un de ses frères et sœurs, ou à cause de lui ou d’eux, si la dispute concerne l’enfant, il faut toujours expliquer. Il faut que la dispute ait du sens. L’angoisse de la perte de l’amour parental est une angoisse majeure des enfants. Il faut faire attention à ce qu’on dit sous le coup de la colère.

Qu’est-ce qu’on peut faire, au quotidien pour éviter les conflits ou les régler s’ils existent ?

Bien sûr, il n’existe pas de famille parfaite. Ce n’est pas forcément dramatique s’il y a quelques disputes, mais lorsque la dispute revient régulièrement, il est primordial de dénouer les choses qui ne vont pas. Cela peut, par exemple, passer par des séances de thérapie familiale. On peut aussi mettre en place un système de conseil de famille : on se réunit tous ensemble lors d’un moment institué et précis où tout le monde dit comment s’est passé sa semaine, son ressenti et surtout où on laisse l’autre s’exprimer sans l’interrompre. Chaque personne a le même poids, chacun parle en tant que membre de la famille. Bien sûr, il faut que ce soit les parents et seulement les parents qui prennent les décisions. Si on pose des limites, il faut les expliquer. La clé, c’est le langage. Il faut discuter et expliquer. 

 

La protection de l’enfance face aux conflits parentaux

Lors de la séparation du couple parental, il est souvent difficile pour les parents de ne pas mêler les enfants à leurs différends. Cependant, il est nécessaire pour un enfant que ses parents aient une communication suffisante concernant son éducation.

Le développement de l’enfant est impacté

En effet, « exposé malgré lui à un climat de conflit ou d’absence de communication parentale, le développement de l’enfant est impacté : confusion, angoisse, insécurité… toute son énergie est mobilisée par la gestion du conflit au détriment de son propre épanouissement », insiste Camille Le Corvaisier, responsable de la Cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) de Loire-Atlantique.

Rétablir le dialogue

La protection de l’enfance n’a pas vocation à gérer le conflit parental. Afin d’aider à rétablir le dialogue, la Crip vous encourage, en tant que parent, à contacter des organismes de médiation familiale, ou de saisir le juge aux affaires familiales afin de fixer les conditions de l’exercice de l’autorité parentale. Toutefois, si les conflits engendrent un danger ou un risque de danger pour l’enfant, la Crip peut demander une évaluation en protection de l’enfance. Il s’agira dans ce cas d’évaluer le danger pour l’enfant au regard du contexte, et de proposer des aides aux parents pour surmonter leurs difficultés et protéger leur enfant des impacts de ce conflit.

Les lieux et ressources d’aide et d’accompagnement en cas de conflits parentaux

Il existe en Loire-Atlantique de nombreuses structures qui peuvent vous accompagner en cas de conflit conjugal ou de séparation.

Vous trouverez de plus amples informations dans nos pages consacrées :

 

 

Pour aller plus loin (livres, Documents, vidéos)

Vidéos

  • La dispute des parents frappe les enfants

Yapaka - campagne de sensibilisation 

  • Adultes en dispute

Yapaka – campagne « Une vie de chien »

Livres pour enfants 

La colère et les disputes des parents prennent la forme de monstres qui accompagnent et hantent l’enfant dans son quotidien.

Groupiak, Cécile Dalnoky /Carre De Vignes / 2014.

Les parents de Jeanne se disputent souvent pour des prétextes futiles comme des artichauts au souper. Jeanne cherche alors à s’évader...

Geraud- Jean-Zad M. / Les Utopiques/ 2018.

Marie-Hélène Delval, Maud Legrand / Bayard Jeunesse / 2015.

Petit Blaireau est triste : son papa et sa maman se disputent tellement qu’ils décident de ne plus habiter la même maison. Quelle inquiétude pour Petit Blaireau : si ses parents ne s’aiment plus, vont-ils continuer à l’aimer, lui ? Heureusement, même séparés, un papa et une maman restent papa et maman pour la vie. 3 à 7 ans.

Laurie Cohen, Cécile Vangout / Galapagos / 2012.

Un enfant raconte les conflits de ses parents jusqu’à leur séparation, qui le soulage et l’attriste à la fois. Le texte est subtil, les illustrations en noir, blanc et rouge s’accordent bien avec l’ambiance feutrée du récit.

Documentation et livres à destination des parents

Pascale Coton, CESE, 2017.

Si la séparation met un terme à la relation du couple, la relation parentale perdure. La manière dont se déroule la séparation, les tensions familiales qui l’entourent ainsi que l’environnement de vie après la rupture peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé, le bien-être et la scolarité des enfants. Cet avis, réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Défenseur des droits, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) présente ses propositions pour favoriser un exercice apaisé de la coparentalité associant, dans l’intérêt de l’enfant, chacun des deux parents.

Agnès Grison, Danielle Rapoport, Catherine Sellenet / Belin.

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