Qu’est-ce que la charge mentale et comment la gérer ?

Laver les biberons, prévoir un rendez-vous chez le médecin, enlever les bodies et les pyjamas trop petits de l’armoire, faire les courses, faire une lessive, commander des couches, en remettre dans le sac à langer, etc. Toutes ces petites pensées qui se multiplient dans votre tête au quotidien peuvent finir par vous épuiser, parfois jusqu’au burn out, parfois jusqu’au clash dans le couple. Souvent féminine, la charge mentale peut encore augmenter avec l’arrivée ou la présence d’un ou de plusieurs enfants. Dans ce dossier des parents témoignent, racontent les situations qui les ont fait craquer et comment ils ont su trouver des solutions. Jamila El Koubaily, chargée de missions citoyennes pour l’association Tissé Métisse, raconte comment une pièce de théâtre libère la parole des femmes sur le sujet. Enfin, vous trouverez une bibliographie complète avec des podcasts, des vidéos, des sites internet et des livres à lire et à écouter pour en savoir plus.

 

Témoignages : "Dès qu’il y avait un problème, j’avais l’impression d’être la seule à chercher une solution".

Julie, 34 ans et Yoann 39 ans, sont les parents d’une petite fille de 9 mois.

Julie : C’est vraiment arrivé lorsque notre premier enfant est né. Jusqu’à présent, je ne me sentais pas concernée par la charge mentale. Je l’associais plutôt à une mauvaise répartition des tâches ménagères à la maison, ce qui n’était pas le cas chez nous ; Yoann ayant toujours fait largement sa part lorsque nous n’étions que tous les deux. Environ une semaine ou deux après être rentrée de la maternité, j’ai commencé à avoir l’impression d’être la seule qui pensait à tout ce qui concernait notre bébé.

"Dès qu’il y avait un problème, j’avais l’impression d’être la seule à chercher une solution".

L’épaisseur des turbulettes, la température dans la chambre, les vitamines, les siestes...Et ça a continué dans les mois qui ont suivi : La taille des tétines lorsque j’ai arrêté l’allaitement, la quantité et le type de légumes pour la diversification, la préparation des purées, le type de lait, la recherche de place en crèche ou d’assistante maternelle, les rendez-vous pour les vaccins, les feuilles de soin à renvoyer...J’avais absolument tout en tête tout le temps. Yoann, même s’il a continué à aider à la maison, pour le ménage, les lessives, les courses, a rapidement pris le pli de se référer à moi pour toutes les questions qui concernaient le bébé. Dès qu’il y avait un problème, j’avais l’impression d’être la seule à chercher une solution, lui se contentant de hausser les épaules et de dire « ça ne sert à rien de passer son temps sur internet ou de lire 20 livres différents, il faut aussi écouter notre instinct », ce qui avait le don de me mettre hors de moi.

"À mon stress, il opposait une certaine nonchalance qui me rendait folle".

À mon stress, il opposait une certaine nonchalance qui me rendait folle. Le manque de sommeil aidant, nous avons fini par accumuler les tensions et les disputes jusqu’à une nuit où j’ai menacé de le quitter. Le lendemain j’ai pris, encore moi, un rendez-vous chez une psychologue à la clinique où j’avais accouché. Nous sommes allés ensemble à quatre séances. Ça n’a pas été simple car j’avais la sensation de ne pas être comprise. La psychologue n’arrêtait pas de me dire de lâcher du lest, que je n’étais pas la mère de Yoann et que si certaines choses n’étaient pas faîtes, ça n’était pas bien grave. J’ai eu beaucoup de mal à digérer ce discours-là. Yoann s’est plus investi, notamment dans l’organisation et l’anticipation des besoins de notre bébé. Il m’a encouragée lui aussi à moins me prendre la tête. Petit à petit, nous avons réussi à retrouver un équilibre, mais qui reste précaire.

Yoann : J’ai toujours fait ma part à la maison. J’ai été éduqué comme ça, dans une famille nombreuse, ou chacun participait. Jusqu’à ce que Julie pète les plombs, j’étais persuadé de faire ce qu’il fallait faire. Je l’ai soutenue toute sa grossesse, nous avons préparé la chambre de notre bébé ensemble, nous avons fait du shopping et récupéré tout le matériel nécessaire ensemble, j’ai dormi à la maternité, j’ai préparé le retour de Julie et de notre fille à la maison, j’ai encouragé Julie pour l’allaitement, j’ai été chercher le tire-lait, je préparais à manger, je faisais les lessives, et bien sûr, je changeais les couches et je me levais la nuit pour mettre le bébé au sein, puis pour lui donner un biberon. Bref, j’avais l’impression de ne pas chômer et d’être un bon relais. Attention, je ne me jette pas des fleurs. Tout cela est normal.

"On parle souvent du post-partum, mais plus rarement de la difficulté que peut avoir un papa à trouver sa place, à devenir père".

Autant dire que je suis tombé de haut lorsque Julie a craqué. Je l’ai très mal pris. On parle souvent du post-partum, mais plus rarement de la difficulté que peut avoir un papa à trouver sa place, à devenir père. Je reconnais que je me suis beaucoup moins documenté que Julie en amont et que, de fait, parfois c’est elle qui savait comment faire et pas moi. Je suis persuadé que c’est une question de fonctionnement et de caractère. Personnellement si le rendez-vous des 3 mois se fait 15 jours après la date exacte des 3 mois du bébé, ça ne me pose pas de problème. Idem si la commande de couches n’est pas faite et qu’on doive aller acheter un paquet pour dépanner en attendant.

"Pour moi c’était important qu’on s’écoute un peu aussi et qu’on ne se mette pas trop la pression".

Pour moi c’était important qu’on s’écoute un peu aussi et qu’on ne se mette pas trop la pression. Julie a passé pas mal de temps sur des groupes Facebook, à discuter avec des copines qui étaient déjà maman et a accumulé tout un tas d’informations dont certaines, je le reconnais, étaient sans doute importantes, mais avec aussi tout un flot de trucs qui venaient plus polluer qu’aider. L’explosion a été assez violente. J’ai eu l’impression d’être mis en défaut alors que j’étais épuisé – j’avais repris le travail – et que Julie me reprochait des choses qui n’étaient pas vraies. Il a fallu l’intervention d’une tierce personne neutre pour nous aider à rééquilibrer un peu tout ça. Aujourd’hui je fais plus attention, mais j’ai perdu le peu de confiance que j’avais réussi à me faire en tant que père.

Anne-Lyse, 41 ans, maman d’un petit garçon de 11 mois.

Clairement, pour moi, les femmes et les hommes ne vivent pas l’arrivée d’un enfant de la même façon. Chez les femmes, le changement commence beaucoup plus tôt, il est physique. La vie normale s’arrête plus tôt pour nous que pour eux. Lorsque j’étais en congé maternité et que mon conjoint continuait à travailler, j’avais du mal à le motiver pour toutes les questions liées à l’arrivée de notre bébé. Il me disait « on a le temps », ou « pas ce soir, j’ai eu une grosse journée au boulot ». Et déjà ça m’énervait. J’avais l’impression qu’il me renvoyait à mon exclusion du monde réel ou en tout cas du monde d’avant, tandis que lui continuait à y vivre.

"Ce serait obligatoirement à la maman de s’occuper plus de l’enfant et surtout de penser à tout ce qui concerne l’enfant, puisqu’elle en a le temps".

Je suis persuadée que l’écart et les mauvaises habitudes sont venues de là. D’autant que ça se poursuit ensuite. Les papas ne sont pas obligés de rester à la maternité et la durée du congé paternité est ridicule. Donc, ce serait obligatoirement à la maman de s’occuper plus de l’enfant et surtout de penser à tout ce qui concerne l’enfant, puisqu’elle en a le temps. Une fois qu’on est partis sur cette mauvaise base, c’est difficile de rétablir l’équilibre. J’ai proposé à mon conjoint de mettre en place un tableau des choses à faire, via une application d’agenda, avant la naissance du bébé, avec des alertes qui n’étaient pas communes. Chacun avait une tâche assignée sans que l’autre ne soit au courant. Et à chaque fin de semaine, on prenait un moment pour faire un petit bilan. Nous avons gardé ce fonctionnement là à l’arrivée de notre petit garçon. C’est tout bête, mais d’avoir ces infos là sur le téléphone et pas dans la tête, ça enlève un sacré poids, d’autant plus si les tâches sont partagées.

Tissé Métisse : "la charge mentale, c’est la course contre le temps"

(La comédienne Fleur Monharoul. Photos extraite de la vidéo de la pièce "Hier, la charge mentale des femmes").

L’association Tissé Métisse travaille depuis longtemps autour des questions liées à la parentalité. À travers les ateliers qu’elle organise, elle permet aux femmes d’origine et de cultures différentes d’échanger et de parler de ce sujet qui les rassemble. De ces échanges, Tissé Métisse tire des expositions, mais aussi des pièces de théâtre. La dernière en date, « Hier, la charge mentale des femmes », sur la base de comptes rendus d’atelier, a été écrite et mise en scène par le comédien Omar Meftah. Jamila El Koubaily, est chargée de missions citoyennes Actions Femmes, égalité et discriminations pour Tissé Métisse. Elle évoque cette pièce sur la charge mentale et les réactions qu’elle suscite auprès du public :

Quelles sont les réactions face à la pièce ?

Beaucoup de personnes, lorsqu’elles voient la pièce, se disent « mon dieu, mais c’est ma vie que je viens de voir résumée en 15 minutes ! ». Elle permet aussi de libérer la parole et de prendre conscience. Nous avons tellement la tête dans le guidon que nous ne prenons parfois même pas le temps de ressentir les choses que nous vivons, nous n’avons même pas conscience de cette charge mentale.

C’est quoi, la charge mentale, pour vous ?

La charge mentale c’est la course contre le temps. C’est à nous de nous débrouiller pour trouver du temps pour faire tout un tas de choses. Les femmes sont conditionnées par l’éducation, la culture, les coutumes, l’entourage familial. C’est ce qui rend difficile la prise de conscience. C’est normal. C’est le rôle d’une femme ou d’une mère d’accomplir toutes ces tâches. Il peut y avoir une vraie culpabilité chez certaines femmes. « Je ne suis pas assez forte pour réussir à accomplir toutes ces tâches » et au lieu de se dire, « j’ai tellement de choses à faire et à penser, c’est normal que je n’y arrive pas », bien souvent on se dit plutôt « je n’ai pas été capable ». Nous passons tellement de temps à nous organiser pour faire au mieux, nous sommes tellement concentrées sur cet objectif que nous oublions de nous concentrer sur nous-même. Or, Si nous ne prenons pas le temps de nous arrêter cinq minutes et de prendre conscience de ce poids, nous allons droit dans le mur, vers le burn out.

Comment la gérer et l’alléger ?

Ce qui compte c’est que les choses soient faites et que tout le monde participe. Et quand bien même votre conjoint ou votre enfant ne plie pas le linge comme vous ou, de votre point de vue, fait mal les choses, la participation reste primordiale. Il faut aussi apprendre à lâcher du lest et à se dire « ce n’est pas grave », sinon on passe son temps à refaire derrière les autres et ça ne sert à rien.

Les lieux d’écoute, d’information et de soutien

Si vous avez besoin d’échanger sur la charge mentale, où tout simplement besoin d’aide et d’écoute, plusieurs structures existent en Loire-Atlantique :

Bibliographie

Podcast :

Article :

Livres et romans :

Bande-dessinée :

  •  « Un autre regard 2 », Emma, Massot. (On retrouve dans ce livre, « Fallait demander », une BD qui parle de la charge mentale qui est également disponible gratuitement en ligne pour une utilisation en ligne et non lucrative).

Sites internet :

 

Cette bibliographie, comme celles des autres dossiers, a été réalisée en collaboration avec Maud Pineau, Chargée de veille informationnelle et du numérique au Département de Loire-Atlantique.

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