Que faire lorsqu’on n’aime pas les amis de son enfant ?
Votre enfant ou votre adolescent fréquente une amie, un ami ou un groupe d’amis que vous n’aimez pas ? Vous trouvez qu’elle ou il se laisse influencer et vous ne savez pas comment gérer la situation ? Dans ce dossier, Pierre Poitou, psychologue à la Maison des adolescents de Loire-Atlantique, vous aide à y voir plus clair. Un papa et une maman racontent leur expérience. Vous trouverez également les coordonnées de lieux pour vous faire accompagner et des conseils de livres, podcasts et vidéos pour aller plus loin.
Dans ce dossier
Pourquoi peut-on avoir du mal à faire confiance aux copines et aux copains ?
Pierre Poitou est psychologue pour la Maison des adolescents (MDA) de Loire-Atlantique. Il répond à nos questions tout au long de ce dossier.
Pour quelles raisons peut-on parfois avoir des difficultés à faire confiance aux copains et aux copines de son enfant ?
Lorsque les enfants sont tout-petits, ils ont souvent du mal à jouer en dehors de la vigilance de l’adulte et ont besoin d’être près d’eux. En grandissant, ils finissent par avoir plus envie de jouer dans leur coin, mais on peut toujours garder un œil ou une oreille sur eux. Et puis un jour, ils partent à l’extérieur, rencontrent et créent des liens avec d’autres personnes.
C’est normal qu’un enfant élargisse son cercle relationnel. C’est également normal que les parents s’inquiètent
Ces rencontres échappent en partie à la vigilance et au contrôle des parents. Et dans le monde d’aujourd’hui, parfois inquiétant, ce qui arrive aux enfants quand les parents ne sont pas là peut être source d’inquiétude et d’angoisses. C’est normal qu’un enfant élargisse son cercle relationnel. C’est également normal que les parents s’inquiètent.
Pourquoi les enfants ou les adolescents sont plus influençables ?
Notre cerveau se nourrit de plaisir et de gratification. Par exemple, si votre enfant voit qu’une copine ou un copain qui fait l’andouille en classe fait rigoler les autres, non seulement il aura envie d’être copain avec celle ou celui qui attire l’attention, mais il ou elle aura sûrement aussi envie de l’imiter pour capter l’attention des autres. Les enfants, quel que soit leur âge, ont tendance à aller vers celles et ceux que les autres regardent et admirent, être vu et considéré étant des besoins humains naturels. La question, c’est comment arriver, lorsqu’on est enfant ou ado, à avoir suffisamment de gratifications sans faire de bêtises ou se mettre en danger ?
Justement, quelles sont les pistes pour les responsabiliser sans freiner leur besoin d’intégration ?
Faire autrement, ça s’apprend, en parlant avec son enfant, en lui expliquant qu’il peut faire différemment pour attirer l’attention et se faire des copains. On peut valoriser son enfant pour qu’il se sente au centre de l’attention ou suffisamment gratifié, faire appel à ses compétences psychosociales.
Le travail du parent, c’est aussi d’apprendre à son enfant à savoir dire non sans perdre la face par rapport à un groupe ou à une autre personne.
Le travail du parent, c’est aussi d’apprendre à son enfant à savoir dire non sans perdre la face par rapport à un groupe ou à une autre personne, notamment pour éviter des comportements à risque. Par exemple, "non, je ne peux pas prendre de la drogue parce que je vais faire du sport", ou "non, je ne veux pas les mêmes baskets que toi parce que leur fabrication n’est pas bonne pour la planète et que l’écologie est importante pour moi."
Pour en savoir plus sur les compétences psychosociales, découvrez notre dossier "Comment aider son enfant à mieux communiquer ?"
Il y a l’influence d’une personne, mais aussi celle du groupe...
Dans l’influence du groupe, je pense qu’il faut faire une seconde distinction entre l’influence explicite et l’influence implicite. Un groupe a ses codes. Ils peuvent être vestimentaires, verbaux ou encore comportementaux. L’influence peut être explicite : "si tu ne fais pas telle ou telle chose, tu ne peux pas rejoindre le groupe" ou implicite : "si je ne fais pas comme eux, ils ne voudront pas que je sois avec eux."
Comment être attentif, sans être oppressant ? Faut-il mettre des interdits ?
Comment faire pour être attentif sans être oppressant ?
Il y a souvent une différence entre ce qu’on observe et ce qu’on imagine. Je pense qu’il faut se laisser surprendre, dans le bon sens du terme. Dialoguer avec son enfant, le faire parler de ses copains et copines, lui proposer de les rencontrer. Il faut rester attentif, faire parler l’enfant, lui demander comment s’est passée sa journée, comment ça s’est passé avec les copines et les copains, qui sont-elles et qui sont-ils.
Il faut instaurer suffisamment de dialogue pour que l’enfant soit assez sécurisé et puisse dire si quelque chose ne va pas
Mais il ne faut pas tomber dans le piège de ne leur parler que de celle ou celui qu’on n’aime pas ! Il faut instaurer suffisamment de dialogue pour que l’enfant soit assez sécurisé et puisse dire si quelque chose ne va pas. Et il faut aussi instaurer le dialogue au sein du couple parental, car parfois on n’est pas d’accord sur les copains et les copines.
Quand faut-il s’inquiéter ?
Le risque, lorsqu’on est parent, c’est de voir une volonté d’influencer lorsqu’il n’y en a pas. Bien souvent, les copines et les copains n’ont pas forcément de réel désir d’influencer votre enfant ou de l’entraîner à faire des bêtises. On peut tout simplement influencer quelqu’un juste pour qu’il soit notre ami, et parce que c’est plus intéressant de faire des bêtises à deux que tout seul. Je pense qu’il faut différencier l’influence sans intentionnalité et l’influence pour avoir l’ascendant qui est plus inquiétante car elle peut impliquer de la manipulation.
Faut-il interdire à notre enfant ou adolescent de voir une copine ou un copain ?
Les réponses évoluent avec l’âge de l’enfant. Mais il est nécessaire pour le parent d’être au clair avec ce pour quoi il interdit à son enfant d’en voir un autre. Ensuite il peut y avoir différentes stratégies. Il y a des stratégies d’interdiction directe : "non tu n’iras pas voir… !" qui sont plus faciles à mettre en œuvre lorsque l’enfant est jeune. Il peut aussi y avoir des stratégies de détournement, c’est-à-dire des stratégies qui invitent son enfant à faire autre chose que de voir une copine ou un copain.
Il ne s’agit pas que d’interdire ou non, il s’agit de savoir pourquoi on le fait et comment on le fait
Les stratégies d’interdiction directes sont beaucoup plus délicates quand c’est avec un ado. Il peut y avoir opposition, voire conflit. Il peut y avoir une fausse adhésion à l’interdiction pour l’adolescent qui peut s’arranger pour la contourner… Donc vous l’avez compris, il ne s’agit pas que d’interdire ou non, il s’agit de savoir pourquoi on le fait et comment on le fait.
Retours d’expérience : des parents racontent
Adrien a 44 ans, il vit à Nantes et est papa d’un garçon de 11 ans.
Lors de sa rentrée au collège l’an dernier, notre fils a été séparé de sa bande de copains de l’école. Ça a été très dur pour lui. Il a pu continuer à en voir quelques-uns, mais comme les emplois du temps étaient différents, ce n’était pas simple. Au bout de quelques mois, il s’est mis à beaucoup nous parler d’un nouveau copain. Au début, nous étions rassurés. Et puis, nous avons eu des retours du collège. Avec ce nouveau copain, notre fils faisait visiblement beaucoup de bêtises et pas mal de chahut en classe.
Chacun des parents pensait que c’était le fils des autres qui avait une mauvaise influence sur son enfant
Nous avons proposé à notre fils d’inviter le copain en question à la maison, avec ses parents. Au début l’ambiance n’était pas très chaleureuse. Chacun des parents pensait que c’était le fils des autres qui avait une mauvaise influence sur son enfant. En discutant, nous nous sommes rendus compte que le copain était dans la même situation que notre fils. En arrivant au collège, il avait perdu sa bande de potes de l’école. Nous avons aussi discuté avec les deux garçons. De fil en aiguille, nous avons compris qu’ils faisaient les malins pour faire rire les autres et attirer l’attention à eux. Par chance, entre parents, nous étions d’accord pour leur expliquer que faire des bêtises et perturber la classe, ce n’était pas vraiment le meilleur moyen. Depuis, ça va mieux. Ils font du foot ensemble et se sont fait de nouveaux copains.
Camille a 39 ans, elle vit sur Pornichet et est maman d’une fille de 14 ans.
Au fur et à mesure du collège, Adèle a progressivement laissé tomber les copains qu’elle avait gardés de l’école. Elle les trouvait trop "bébés". Elle est devenue amie avec une fille plus âgée qui l’a plus ou moins fait intégrer un autre groupe. On a rapidement vu les changements. Elle a commencé à vouloir se maquiller, à s’intéresser à de nouveaux vêtements. Au début, on a mis ça sur le compte de son évolution vers l’adolescence. Un jour, elle m’a fait tout un cirque pour avoir une paire de baskets d’une certaine marque. Puis, elle a demandé si elle pouvait avoir un tatouage... Au fur et à mesure qu’on lui disait non, elle se renfermait, nous parlait moins, passait moins de temps avec nous. On a su qu’elle traînait avec une bande de copines, dont la fille plus âgée était un peu la cheffe.
Adèle était allée chez un tatoueur avec ses copines pour se faire faire toutes le même tatouage. Heureusement, le tatoueur a refusé. J’étais assez malheureuse, je ne reconnaissais plus ma petite fille.
Elles portaient toutes plus ou moins le même genre de vêtements - des survêtements d’une marque de sport - et on a su après coup, que malgré notre désaccord, Adèle était allée chez un tatoueur avec ses copines pour se faire faire toutes le même tatouage. Heureusement, le tatoueur a refusé. J’étais assez malheureuse, je ne reconnaissais plus ma petite fille. Mon compagnon essayait de tempérer, en disant qu’on était tous passés par là. Mais j’étais inquiète. Et puis un jour, on a été convoqués au collège. Adèle était, avec le reste de la bande, soupçonnée de harcèlement et de racket sur d’autres enfants. Nous sommes tombés de haut. Nous l’avons privée de téléphone et de sorties pendant un mois. Au début, ça a été horrible, elle nous hurlait dessus, disait qu’elle nous détestait. On avait très peur de s’enfermer dans quelque chose dont on aurait du mal à ressortir. Nous avons décidé de consulter un psychologue. Adèle était très réticente, mais nous l’avons menacée de la changer de collège. Au bout de quelques mois, ça a été mieux. Elle a réussi à nous dire qu’elle aimerait qu’on la traite moins comme une enfant et qu’on lui fasse plus confiance, qu’elle n’était plus une petite fille. Et c’est vrai, j’étais encore un peu dans un rapport de mère-petite fille. Nous avons posé nos conditions aussi : si on te fait confiance, ne la trahit pas. Au fur et à mesure les relations se sont apaisées. Elle fréquente toujours une partie du même groupe, mais la partie qui a accepté qu’elle soit elle-même. Bon, elle a toujours dans l’idée de se faire tatouer, mais elle devra attendre d’avoir 18 ans !
Les ressources, les lieux d’information et d’écoute
La Maison des adolescents (MDA) de Loire-Atlantique
La Maison des adolescents (MDA) est un lieu d’écoute, d’information et d’accompagnement pour les adolescents et leurs parents. Elle s’adresse aux jeunes âgés de 11 à 21 ans. L’accès est gratuit et confidentiel. La MDA dispose de plusieurs antennes dans le département.
Les points d’accueil et d’écoute jeunes (PAEJ)
Les Points d’accueil et d’écoute jeunes (PAEJ) sont des structures qui accueillent sans conditions, gratuitement et de façon confidentielle les jeunes de 12 à 25 ans ou les parents, seuls ou en groupe.
Les Lieux d’accueil enfants-parents (LAEP)
Si votre enfant est plus jeune, vous pouvez vous rendre dans un lieu d’accueil enfants-parents (LAEP). Ces lieux, soutenus par le Département de Loire-Atlantique et la Caf, sont des espaces ludiques de rencontres et d’échanges qui accueillent de manière libre, gratuite, anonyme et sans pré-inscription les enfants de moins de 6 ans (dans certains LAEP, les enfants ne sont accueillis que jusqu’à 4 ans), accompagnés d’un adulte référent comme le papa, la maman ou les grands-parents. Il existe plus d’une trentaine de LAEP en Loire-Atlantique.
Pour aller plus loin ( livres, podcasts, vidéos)
Podcasts :
- Mauvaises fréquentations : comment conseiller ses enfants sur ses amitiés ? (RFI)
- L’appel de la liberté (Transfert / Slate Audio)
- Pourquoi les amitiés à l’adolescence nous marquent-elles autant ? (Grand bien vous fasse ! / France Inter)
Vidéos :
Ados influençables : on se dit tout ! (La Maison des parents / France TV)
Livres :
- La mauvais graine (Jory John et Pete Oswald / Éditions Le lotus et l’Éléphant)
Elle a mauvais caractère, de mauvaises manières et une mauvaise attitude. Pire encore, elle ne se lave jamais les mains... ni les pieds.
Mais que se passe-t-il quand une graine change d’avis et décide qu’elle voudrait être… heureuse ? Est-ce qu’une mauvaise graine peut vraiment changer ses trèèèèèèèès mauvaises habitudes ? (Dès 4 ans)
- Le livre qui t’explique tout sur les copains (Françoize Boucher / Éditions Nathan)
Pourquoi est-ce mieux de posséder un ami merveilleux qu’un chien fantastique ? Françoize Boucher répond à cette colle ainsi qu’à toutes les grandes questions sur l’amitié : Comment détecter une VRAIE amie ou un VRAI ami ? Pourquoi on a le droit de ne plus être amis ? Comment transformer les minuscules graines d’amitié en arbres gigantesques ? (Dès 8 ans)
L’amitié - Se faire des copains et les garder (Margot Fried Filliozat, Isabelle Filliozat, Éric Veillé / Éditions Nathan)
L’amitié est une source de bien-être et de confiance en soi. Mais se faire des amis, ce n’est pas si facile ! Il y a des obstacles à franchir, des pièges à éviter et des difficultés à surmonter. Des éclairages pour comprendre que l’amitié s’apprend… et se cultive. Et si on se sent timide ? S’intégrer dans un groupe, surmonter une dispute, les bandes d’amis, la jalousie, les jugements, les populaires et les autres, se sentir exclu.e… Ce livre aidera l’enfant à comprendre tout cela et à être une super amie ou un super ami. (Dès 5 ans)
Articles :
- Inquiétude, mauvaise influence… Je n’aime pas les fréquentations de mon enfant (Audrey Guiller / Ouest-France)
- Je n’aime pas le copain de mon enfant, je trouve qu’il a une mauvaise influence (Madeleine Montjaret / Magic Maman)
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