Comment devenir parents quand on est homosexuels ?

Aujourd’hui, plus de 30 000 enfants sont élevés par des couples homoparentaux en France. Des lignes ont bougé dans la société et la loi a évolué. Le désir de famille et de parentalité ont également changé chez les couples homosexuels. Pourtant, aujourd’hui encore, devenir parents quand on est homosexuel reste de l’ordre du parcours du combattant. Dans ce dossier, nous avons donné la parole à l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (AGPL) et à un couple de parents passé par la GPA.

Quelle est l’évolution de la parentalité chez les couples homosexuels ?

Nicolas, porte parole de l’Association des parents et des futurs parents gays et lesbiens (APGL) qui accompagne les familles depuis 1986.

Est-ce qu’il y a eu une évolution du désir de parentalité chez les couples homosexuels ?

La famille correspond à une norme sociale qui, pendant longtemps, a été rejetée par les homosexuels – elle l’est encore aujourd’hui par certains – mais c’est en train de changer. En 2018 l’APGL a fait faire une étude et 52 % des couples homoparentaux souhaitent devenir parents. À la fin des années 1980, puis dans les années 1990, le projet de parentalité des couples homosexuels se faisait de façon classique ou passait par l’adoption. Aujourd’hui, l’adoption ne représente plus qu’environ 5 % des démarches au sein de l’association. La GPA pour les hommes et la PMA pour les femmes sont les projets majoritaires chez nos adhérents.

Quels freins ont été levés et quels sont ceux qui subsistent ?

Même si la loi du 3 juillet 2021 a facilité l’accès à la PMA pour les lesbiennes, cela reste plus compliqué que pour les hétérosexuels, car la loi ajoute un passage obligatoire chez le notaire. Le principal blocage, c’est l’interdiction de la GPA en France qui oblige les couples à effectuer cette démarche à l’étranger avec un coût important (entre 100 000 et 150 000 €). Dans le cas d’une GPA à l’étranger, c’est parfois compliqué d’avoir un acte de naissance à son nom ou sa retranscription. Et un seul des deux membres du couple, celui qui a fait le don de sperme, est reconnu parent et peut jouir de l’autorité parentale. Pour y prétendre, l’autre doit adopter l’enfant de son conjoint. Jusqu’à il y a peu, ça n’était possible que pour les couples mariés, mais depuis 2022, l’adoption est ouverte aux couples non mariés, sous certaines conditions. 

Mais en fait, la GPA et la PMA, c’est quoi ?

La gestation pour autrui ou GPA :
C’est une technique de procréation médicalement assistée qui consiste à implanter un embryon, issu d’une fécondation in vitro (FIV) ou d’une insémination, dans l’utérus d’une mère porteuse qui remettra le bébé à un couple demandeur à sa naissance. 

La procréation médicalement assistée ou PMA :
C’est une solution proposée aux personnes qui ont des difficultés à avoir naturellement un enfant. Il existe plusieurs techniques de PMA, la plus fréquente étant la fécondation in vitro (FIV).

Pour en savoir plus sur la PMA

Comment se passe un parcours GPA à l’étranger ?

Sylvain et Benoît vivent en couple à Couëron depuis une quinzaine d’années. Ils sont les parents d’Augustine 5 ans et de Ferdinand 4 ans, tous les deux nés d’une GPA au Canada.

Comment est né ce désir de devenir parents ?

Comme chez n’importe quels autres couples ! La notion de famille est très importante pour nous, Benoît a une sœur jumelle et Sylvain a un frère jumeau, des liens forts avec nos familles. L’envie de fonder une famille est venue naturellement. Il existe une idée reçue qui voudrait que les couples hétérosexuels feraient des enfants dans l’intérêt de l’enfant et que les couples homosexuels en feraient avant tout pour eux, de façon égoïste. C’est absurde. Pour nous, ce n’était pas un sujet.

Quelles ont été les premières étapes de vos démarches pour devenir parents ? 

Au début nous nous sommes tournés vers l’adoption, mais nous nous sommes vite rendus compte que ça allait être un véritable parcours du combattant. Nous ne voulions pas être dans une telle attente, sans savoir si l’issue serait positive. En 2015, nous sommes allés à une réunion d’information de l’APGL à Nantes. Nous avons pu échanger sur la Gestation pour autrui (GPA) et ça a été une révélation. Tout à coup, on s’est dit que c’était possible. Nous avons fait beaucoup de recherches. Nous voulions avant tout être dans une démarche avec laquelle nous serions à l’aise plus tard pour parler à notre enfant de sa conception et de son histoire. 

[Au Canada] les femmes le mettent en valeur sur leur CV et bénéficient d’une reconnaissance positive à ce sujet.

Nous avons découvert comment la GPA fonctionne au Canada où elle est bien acceptée et développée depuis plus de 20 ans. Nous avons été séduits. Là-bas, la GPA est vue comme un acte altruiste, où chacun est respecté dans un processus très encadré : les mères porteuses sont représentées par un avocat, comme les parents d’intention, elles choisissent le couple avec lequel elles ont envie de les aider à concevoir un enfant, elles sont défrayées pour leurs frais médicaux, mais ne sont pas rémunérées. Les femmes mettent la GPA en valeur sur leur CV et bénéficient d’une reconnaissance positive à ce sujet.

Comment fait-on pour trouver une mère porteuse au Canada ? 

Nous avons pris contact avec une association de mères porteuses. Nous avons déposé un dossier très complet où nous nous sommes présentés et dans lequel nous avons détaillé notre projet pour l’enfant. Entre temps, nous avons également pris contact avec une clinique américaine pour le don d’ovocyte. Là clairement, ça n’est pas très glamour. On choisit sur photo et sur brève présentation de la personne. Mais, c’est aux États-Unis que la technique est bien maîtrisée, favorisant un processus respectueux pour les femmes porteuses et permettant d’avoir le plus de chances de réussite. De notre côté, le donneur de sperme a dû se plier à toute une batterie d’examens très pointilleux en France.

Quels sont les délais d’attente ensuite ? 

Ça peut être très long. Nous, nous avons eu de la chance. Trois semaines après le dépôt de notre dossier, nous avons eu une réponse positive de Jessica, une mère porteuse. Elle avait déjà trois enfants (au Canada, c’est obligatoire d’avoir déjà eu au moins un enfant pour pouvoir devenir mère porteuse) et était enthousiasmée par notre projet. Nous sommes allés au Canada et nous avons fait la rencontre de toute la famille de Jessica. C’était incroyable et nous considérons aujourd’hui avoir une seconde famille au Canada.

Et ensuite, comment ça se passe ? 

Nous avons pu être très présents. Nous avons assisté à la FIV, à la première échographie et à l’ensemble des examens soit sur place, soit en visio, dans les limites, bien entendu, de l’intimité de Jessica. Une fois la grossesse en route, quelques mois avant la naissance d’Augustine, les amis de Jessica nous ont organisé une baby shower.

Nous étions présents à l’accouchement qui s’est fait à domicile, l’un de nous a aidé à sortir l’enfant et l’autre a coupé le cordon.

Nous étions présents à l’accouchement qui s’est fait à domicile, l’un de nous a aidé à sortir l’enfant et l’autre a coupé le cordon. Quelques heures après la naissance d’Augustine, nous étions dans notre logement au Canada avec notre bébé. Tout a été hyper fluide. Pour notre deuxième, Ferdinand, qui est né pendant le confinement, ça a été un peu plus compliqué au regard du contexte sanitaire.

Qu’avez-vous ressenti quand Augustine est née ?

Nous nous sommes tout de suite sentis parents. À notre retour, nous avons fait une grosse fête avec nos amis et nos familles. Le reste, c’est la même vie que n’importe quels parents. On se lève la nuit, on se renseigne sur l’alimentation, le sommeil etc. On vit les mêmes galères et les mêmes joies que les autres parents.

Avec Jessica, la mère porteuse, nous avons gardé le lien.

Avec Jessica, la mère porteuse, nous avons gardé le lien. Elle est venue au baptême républicain d’Augustine. Il y a un grand écart entre la perception qu’on peut avoir de la vie de parents homoparentaux, notamment à travers les médias, et la réalité. Que ce soit à la crèche, à l’école ou dans la vie quotidienne, nous n’avons jamais aucun problème, que ce soit avec les professionnels, les parents d’élèves, nos collègues au travail etc. 

Qu’est-ce qui peut rester compliqué au quotidien ? 

L’un de nous a dû faire une demande d’adoption officielle des deux enfants car seul un d’entre nous est reconnu officiellement comme père de l’enfant. Il faut savoir que cette démarche prend environ deux ans.

Nous ne voulons pas de non dits autour de tout ça et souhaitons que les enfants soient au clair avec leur histoire. 

En attendant, nous avons fait le nécessaire chez le notaire et au quotidien, à l’école par exemple, nous ne rencontrons aucun problème lié à l’exercice de l’autorité parentale. Les gens savent bien que nous sommes tous les deux les parents d’Augustine et de Ferdinand. Nous ne voulons pas de non dits autour de tout ça et souhaitons que les enfants soient au clair avec leur histoire. 

Quels conseils donneriez-vous aux couples qui voudraient se lancer ?

C’est un peu comme gravir l’Everest. Il faut être bien conseillé et franchir les étapes une à une, au final on s’aperçoit que nous ne sommes pas tout seuls et que quelques centaines d’enfants français naissent chaque année de cette manière et que c’est donc possible.
Il faut anticiper, en parler autour de soi, avec ses proches, et avec son employeur pour l’organisation des congés. Il faut aussi être bien armé psychologiquement et prévoir des ressources financières suffisantes.

Comment la loi a-t-elle évolué ?

  • La loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain interdit la gestation pour autrui (GPA en France).
  • La loi du 17 mai 2013 qui a, entre autre, ouvert le mariage aux couples homosexuels.
  • La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique élargit notamment la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules et donne de nouveaux droits pour les enfants nés d’une PMA. Cette loi précise également que la reconnaissance de la filiation à l’étranger est appréciée au regard de la loi française. La transcription d’un acte d’état civil étranger d’un enfant né de GPA est ainsi limitée au seul parent biologique (le parent d’intention devant passer par une procédure d’adoption). 
  • La loi du 21 février 2022 a pour double objectif de faciliter et sécuriser le recours à l’adoption et de renforcer le statut de pupille de l’État. Elle ouvre notamment l’adoption aux couples non mariés.

Pour en savoir plus sur l’évolution du droit à propos de la GPA

Pour aller plus loin (podcasts, livres, vidéos, etc.)

Podcasts :

 Articles :

Vidéos :

Livres/BD :

  • Jean a deux mamans, Ophélie Texier (L’école des loisirs)
    Jean a deux mamans. Une maman ou deux mamans, est-ce vraiment si différent ? Oui, sûrement. Mais qu’en pense Jean ?
  • Tango a deux papas et pourquoi pas ?, Béatrice Boutignon (Éditions Le Baron Perché)
    La nature est bien faite. Plutôt que de laisser un œuf à l’abandon, deux manchots mâles l’ont couvé et en ont ensuite élevé le bébé femelle, Tango, comme n’importe quels autres parents. L’histoire, qui s’est réellement déroulée au zoo de Central Park, est prétexte ici à aborder la question de l’homoparentalité.
  • Lila, La Voie bleue, Caroline Fournier et Carolane Storm (On ne compte pas pour du beurre)
    Lila va pique-niquer dans la forêt avec ses mamans et son ami Tinon. Mais quelle est cette chose étrange qui rôde dans la rivière… ?
  • Les papas de Violette, Émilie Chazerand et Gaëlle Souppart (Gautier-Languereau)
    Violette a deux papas. Ses camarades de classes se moquent d’elle, et elle est triste que ses papas ne viennent jamais la chercher ensemble à l’école, même si elle sait que c’est pour la préserver.

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