Écrans : quel impact pour les enfants quand les parents sont accros ?

On parle souvent du risque des écrans pour les enfants ou les ados. Mais les parents dans tout ça ? Quel impact peuvent avoir vos usages des écrans sur votre ou vos enfants ? À partir de quel moment parle-t-on de troubles pour cet usage, voire d’addiction ? En tant que parent, ne serait-il pas nécessaire de s’interroger sur ses comportements ? Car au même titre que l’alcool ou le tabac, la consommation des écrans, quand elle devient addictive, a des répercussions sur la vie de famille et sur les enfants. Dans ce dossier, la Dr Marie-Alice Robert, addictologue, vous en dit plus sur les mécanismes et les conséquences possibles de ces troubles de l’usage. Vous trouverez aussi des pistes pour réguler votre consommation et des informations sur les ressources pour vous faire aider en cas de besoin.

Qu’est-ce que l’addiction et comment s’installe-t-elle ?

La Dr Marie-Alice Robert est addictologue. Elle vous en dit plus sur les mécanismes des troubles de l’usage et de l’addiction et sur l’impact que cela peut avoir sur les enfants. Vous retrouverez ses explications tout au long de ce dossier.

Pouvez-vous nous donner une définition de l’addiction ?

C’est l’incapacité de s’abstenir de consommer des substances ou d’avoir un comportement. On perd la liberté de s’abstenir. Pour les écrans, on peut parler de troubles de l’usage plutôt que d’addiction. On passe d’un trouble de l’usage à une addiction lorsqu’il y a de la souffrance et qu’on ne prend plus de plaisir.

Comment une addiction ou ces troubles de l’usage se mettent-ils en place ?

Certaines substances ou comportements agissent sur le cerveau et activent le circuit de la récompense. Cette zone de la récompense est en lien avec toutes les autres zones du cerveau. Elle libère de la dopamine qui nous fait ressentir du plaisir. Ça peut marcher avec un verre de vin ou un carré de chocolat. Mais par exemple si on consomme de la cocaïne, l’excitation du cerveau est poussée au-delà de ce qu’il est naturel de produire.

Au fur et à mesure, le cerveau s’épuise et le ressenti de plaisir n’est plus là. C’est à partir de ce moment qu’on se met à consommer le produit pour combler un manque

Le cerveau va s’habituer à ce niveau élevé d’excitation et va tout faire pour y rester et reproduire ce comportement. Au fur et à mesure, le cerveau s’épuise et le ressenti de plaisir n’est plus là. C’est à partir de ce moment qu’on se met à consommer le produit pour combler un manque et non pour le plaisir. Le système de récompense est déréglé, c’est le bazar dans le cerveau car plusieurs zones sont atteintes. Cela affecte les circuits de la motivation, de la mémorisation, des apprentissages, etc. Le cerveau tourne en boucle et n’a plus assez d’énergie pour de nouveaux apprentissages.

Et pour les écrans ?

Pour les écrans, c’est la même chose. Notre cerveau est stimulé par l’image qui l’empêche de penser. On enchaîne les vidéos, les images ou les informations, avec une recherche d’immédiateté et sans vraiment réfléchir. Par exemple si on est vraiment collé à son écran, on peut oublier de se préparer à manger, oublier des rendez-vous, ou si on est parent, accorder moins d’attention à son ou ses enfants.

 

Combien de temps passe-t-on devant un écran ?

Selon le baromètre du numérique, en moyenne, chaque Français passe 4,6 heures par jour devant un écran, soit 29 % du temps de la journée (hors sommeil).

Et vous ? Faites le test, estimez le temps que vous passez devant un écran. Par exemple, sur votre téléphone allez dans les paramètres. Vous trouverez un bouton "temps d’écran" qui vous donne les informations.

Et si vous voulez mettre en place des bonnes pratiques en famille, vous pouvez aller sur le site de FamiNum qui propose un outil en ligne pour gérer l’usage quotidien des écrans de toute la famille.

Quels sont les impacts sur les enfants et comment limiter sa consommation ?

Quels impacts ces troubles de l’usage peuvent avoir sur les enfants ?

Un enfant a besoin de comprendre et de sentir qu’il est important. Si vous passez votre temps sur votre téléphone quand votre enfant est là, il risque de se dire « je ne suis pas important pour mes parents ». Cela va fragiliser son estime de soi et entraîner une perte de confiance. Et c’est cette fragilité qui va, plus tard, le pousser à aller vers des comportements addictifs.

Un enfant qui voit son parent sur son écran trop longtemps sans qu’il y ait d’échanges va se construire en pensant : «  le téléphone est plus important que moi »

Un enfant qui voit son parent sur son écran trop longtemps sans qu’il y ait d’échanges va se construire en pensant : «  le téléphone est plus important que moi » ou «  je ne suis pas assez intéressant » et sa confiance en lui va être fragilisée. En grandissant il va aussi croire que ce qui se passe dans le virtuel est plus important que le réel, qu’il est plus facile de communiquer avec des groupes de réseaux sociaux qu’avec ses parents. Ainsi les mots avec des personnes essentielles comme les parents ne sont pas naturels et le jeune va reproduire le comportement des parents. Le jeune doit voir les parents sans leurs écrans, disponibles et libres pour expérimenter lui aussi, à des moments, que cela est possible.

Que peut-on faire pour limiter sa consommation d’écran ?

Aujourd’hui, il y a des écrans partout. C’est quasiment impossible de se dire « je vis sans écrans ». C’est pour cela que c’est d’autant plus important de se fixer des limites. C’est bien d’essayer de se regarder fonctionner pour prendre conscience de sa consommation d’écran. Ça peut être quelque chose à mettre en place avec l’autre parent. Vous observez la consommation de l’autre et vous faite un petit bilan. On peut aussi réfléchir aux raisons qui font qu’on passe autant de temps sur les écrans et quels autres ressorts on peut mettre en place pour se sentir mieux.

On s’impose de fausses contraintes, car dans la réalité, qu’allez-vous vraiment rater pendant ce temps là ? Rien du tout.

C’est une bonne occasion de mettre les enfants dans la boucle, en proposant une activité ou un temps partagé à la place. On peut aussi décider que pendant un laps de temps, par exemple entre 18h et 21h, personne ne touche à son téléphone. On s’impose de fausses contraintes, car dans la réalité, qu’allez-vous vraiment rater pendant ce temps là ? Rien du tout. Tout est toujours récupérable. Il faut réussir à se décaler de cette fausse urgence. Et si vraiment on doit regarder son téléphone pour une raison professionnelle ou autre, c’est mieux d’expliquer à l’enfant pourquoi on le fait et de limiter ce temps en rappelant à l’enfant que dès qu’on aura terminé, on sera disponible pour lui.

Comment peut-on se faire aider ?

Les troubles de l’usage sont un symptôme de quelque chose. On peut en parler à son médecin pour éliminer certaines pistes, comme la dépression par exemple. Mais ce sont des troubles qui nécessitent de mettre des mots dessus. Prendre rendez-vous avec un psychologue peut être une bonne solution. En parler crée une ouverture et une mise à distance qui peut faire du bien.

Quelles solutions mettre en place à la maison ?

Thomas, 34 ans, vit à Couëron et est papa d’un garçon de 3 ans et demi.

Nous avons pris conscience de quelque chose le jour où mon fils de 3 ans a renversé son verre d’eau sur mon téléphone à table. Après coup, nous nous sommes dits qu’il n’avait rien à faire là. Je me suis aperçu que je posais souvent machinalement mon téléphone à côté de moi à table et que je jetais un œil dessus de temps en temps sans forcément m’en rendre compte. Il se passe beaucoup de choses dans l’actualité, c’est très anxiogène et j’ai l’impression que si je ne regarde pas régulièrement, je vais louper quelque chose.

Nous nous sommes rendus compte que nous avions toujours notre téléphone dans la main ou pas loin

Nous nous sommes donc questionnés sur notre usage. Et nous nous sommes rendus compte que nous avions toujours notre téléphone dans la main ou pas loin. Quand notre fils joue à côté de nous dans le salon pour faire une photo à envoyer aux grands parents, dans la cuisine pour suivre une recette de cuisine, quand il prend son bain pour envoyer des messages à des amis, le matin pour surveiller l’heure etc. Nous avons donc décidé de faire des changements. À partir du moment où notre fils arrive de l’école et jusqu’à ce qu’il soit couché, nous laissons nos téléphones sur une étagère. J’ai retrouvé une vieille montre que j’utilise pour surveiller l’heure, et nous avons noté des recettes trouvées sur Instagram ou autre dans un cahier qui reste dans la cuisine.

Anne-Laure, 43 ans, vit à Saint-Nazaire et est maman d’une fille de 4 ans et d’un fils de 2 ans.

Je passais beaucoup de temps sur Instagram. Ça me détend, il n’y a quasiment rien à faire, les stories défilent toutes seules et ça me repose. Je le faisais surtout le soir quand j’étais dans mon lit, mais il m’arrivait de le faire quand les enfants étaient là en leur disant "maman prend une petite pause de 5 minutes, jouez tous les deux". Sauf que les cinq minutes se transformaient en 10, 20, parfois 30 minutes. Un jour ma fille est venue me tirer sur la manche et, sans la regarder, j’ai juste dit "attends ma puce, maman est occupée". Elle a insisté et elle a fini par me dire "mais maman, c’est Mathis, il a mis un truc dans sa bouche".

J’ai pris conscience du danger de mon inattention

Ça m’a sorti d’un coup de mon téléphone. J’ai pris conscience du danger de mon inattention. Je m’en suis voulu. J’en ai parlé avec des amis et ils m’ont dit que chez eux, ils avaient mis en place un système de bocal à bonbons, un peu comme certains font avec les gros mots : chaque fois qu’un adulte prenait son téléphone quand les enfants étaient là, non seulement ils devaient le ranger, mais en plus mettre un bonbon dans le bocal - et bien sûr, à la fin de la semaine, les enfants pouvaient piocher dans le bocal. J’ai trouvé ça bien et je l’ai mis en place chez moi. C’est devenu un jeu avec les enfants et moi ça m’a fait réaliser le nombre de fois où je prenais mon téléphone sans même m’en rendre compte.

Les lieux d’information, de ressource et de soutien

  • FragilCette association accompagne des projets d’éducation aux médias et sensibilise aux pratiques numériques à travers des ateliers.
  • Les pieds dans le paf
    L’association les Pieds dans le Paf regroupe des usagers des médias qui cherchent à développer l’esprit critique. L’association fait de l’éducation aux médias pour tous les publics et tous les âges.
  • Le site Je protège mon enfant
    C’est la plateforme en ligne mise en place par le gouvernement pour s’informer et accompagner à la parentalité numérique.
  • Le Réseau des parents parfaitement imparfaits (Res’PPI) : Res’PPI est un collectif d’accompagnement à la parentalité, composé exclusivement de parents bénévoles, tous engagés dans des initiatives parentales sur leur commune, leur quartier, ou leur village. Il est ouvert à tous les parents intéressés et motivés à agir pour une parentalité bienveillante et responsable, basée sur l’écoute, l’entraide et l’échange entre pairs.
  • Les centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) : Le Csapa peut vous apporter une aide psychosociale  ou répondre à certaines de vos interrogations sur les conduites addictives. Le Csapa propose des soins et un accompagnement pour toutes les conduites addictives avec la possibilité de réorienter vers des partenaires plus spécialisés.
  • Le service d’addictologie du CHU de Nantes : Ce service propose plusieurs types de consultations, d’accompagnement et de suivi.
  • Le service d’addictologie du CHU de Saint-Nazaire : Le service d’addictologie prend en charge toutes les addictions, qu’elles soient liées à la dépendance à un produit ou un comportement (alimentaire, jeux, argent, internet...). Le service accompagne les personnes hospitalisées vers des soins adaptés et propose des consultations spécialisées. Il est implanté au Centre hospitalier (Cité sanitaire et Heinlex) et à l’hôpital de Guérande.

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