Intimité chez l’enfant : comment apprendre à respecter l’intimité des autres et la sienne ?

L'intimité du corps, mais aussi celle des émotions et la vie privée, sont des notions parfois difficiles à comprendre et à aborder en famille.

Intimité chez l’enfant : comment apprendre à respecter l’intimité des autres et la sienne ?
© Christiane Blanchard / Département de Loire-Atlantique

Dans ce dossier, l'association Les Mots libres nous parle de son travail de prévention sur les maltraitances envers les enfants et une psychologue donne des clés pour mieux accompagner les enfants dans la découverte de leur intimité.

  • Décryptage avec l’association Les Mots Libres

    Peggy Baudouin et Sébastien Piffeteau sont les deux coordinateurs de l’association Les Mots Libres. Créée en juin 2020, cette association œuvre dans la prévention des violences faites aux enfants et du harcèlement scolaire. L’outil d’intervention est le théâtre forum. L’association intervient dans les écoles élémentaires pour sensibiliser les enfants, mais aussi les équipes enseignantes et les parents d’élèves.

    Peggy Baudouin et Sébastien Piffeteau, de l’association Les Mots Libres, répondent à nos questions.

    Comment abordez-vous l’intimité à l’association Les Mots libres ?

    L’intimité et son respect sont des notions clés dans les interventions que nous proposons auprès des enfants. En s’appuyant sur les saynètes du théâtre-forum que nous proposons, nous nommons ce que sont les parties intimes du corps et nous leur signifions que nul n’a le droit de toucher ou voir leurs parties intimes sans leur consentement, notion que nous développons également. Progressivement, au cours de l’intervention, ces notions d’intimité et de consentement nous permettent d’aborder la problématique des violences sexuelles.

    Nous invitons les enfants à se fier à leurs ressentis et à les verbaliser

    De quelle façon les parents peuvent-ils accompagner les enfants sur cette notion-là ?

    Contrairement aux enfants pour qui il n’y a pas de tabous, les parents ne sont pas toujours à l’aise pour aborder avec eux les questions liées à l’intimité. Le rapport à la pudeur varie en fonction des familles, des individus et de l’âge. Les parents ne sont pas toujours conscients des changements et des besoins de l’enfant sur ces questions. Nous invitons les enfants à se fier à leurs ressentis et à les verbaliser : Est-ce que cela les gêne d’être vus ? Sont-ils à l’aise ? En mettant des mots et en posant des actes simples, comme demander à ne plus être dérangé sous la douche, l’enfant se sent davantage respecté dans son intimité et pris en compte de manière générale.

    Les maltraitances passent souvent par une violation de l’intimité ?

    En sensibilisant les enfants sur le respect de leur intimité et de celle d’autrui, du consentement, de ce qui est autorisé ou non, les enfants prennent conscience de leur corps et du respect qui lui est dû. L’acquisition progressive de ces notions participe activement à la prévention des maltraitances sexuelles, quelle qu’en soit la forme.
  • Décryptage avec Sarah Guesmi, psychologue clinicienne

    Sarah Guesmi travaille en libéral et pour la Protection de l'enfance au Département de Loire-Atlantique.

    À partir de quel âge les enfants découvrent-ils l’intimité ?

    La notion d’intimité n’est pas toujours facile à appréhender pour les parents de très jeunes enfants. On a souvent l’impression que le corps du nourrisson est une sorte de prolongement de soi-même. Cela demande parfois un peu de temps à l’adulte pour en prendre conscience, d’autant qu’il existe une réelle dépendance du corps de l’enfant tant qu’il ne marche et ne parle pas. C’est vraiment à partir du moment où l’enfant va commencer à pouvoir parler que la notion d’intimité va prendre une dimension différente.

    Comment accompagner son enfant pour qu’il prenne conscience de son intimité et de celles des autres ?

    Pour moi, l’intimité est à corréler avec la question du consentement. Et ça peut commencer très tôt. On peut par exemple parler à son enfant et lui expliquer ce qu’on fait quand on lui change sa couche, ou quand on lui donne son bain. Pour le nettoyage du corps à partir d’un certain âge, on propose à l’enfant de se laver tout seul et a minima lui demander s’il a besoin d’aide.

    C’est la même chose avec les bisous ou les câlins. Que ce soit avec les parents ou avec des proches, c’est important de respecter le choix de l’enfant s’il ne veut pas en faire. À partir d’un certain âge, il faut que les portes (salle de bain, chambre) se ferment. Cette introduction à la pudeur est essentielle pour bien grandir et aller bien psychiquement.

    Ça passe aussi par la découverte de son corps et de celui des autres...

    Sur la découverte du corps, les parents ont tendance à vite dramatiser. Un enfant qui se masturbe, c’est normal. Il faut juste lui apprendre à le faire seul et à l’abri des regards. Et certaines choses sont de l’ordre de la découverte. Quand on n’a pas un frère ou une sœur à la maison, on peut avoir envie de découvrir le corps de l’autre à l’école ou à la crèche. C’est de la curiosité.

    L’essentiel à savoir et à rappeler à son enfant, c’est qu’on n’a pas le droit de forcer le corps d’un enfant. L’intimité et la notion de consentement sont des apprentissages. Ça fait partie de l’éducation et c’est essentiel pour que l’enfant apprenne où est son corps, ce qu’il a le droit d’en faire et ce qu’il a le droit de faire ou non aux autres.

    L’intimité ne concerne-t-elle que le corps ?

    On parle de l’intimité du corps, mais il y a aussi l’intimité des émotions. Les adultes sont parfois sur-attentifs. Ils veulent tout savoir de ce que vit ou ressent leur enfant. Ça peut vite devenir très intrusif. L’intime c’est aussi considérer que l’autre, ça n’est pas soi, et qu’on ne peut pas tout savoir de lui.
  • L’intimité et la vie privée de l’enfant sont protégées par la loi.

    Les violences sexuelles et le consentement

    La loi du 21 avril 2021 a créé de nouvelles infractions sexuelles qui sont venues renforcer la législation déjà en place. Aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d’un enfant s’il a moins de 15 ans, ou moins de 18 ans en cas d’inceste. Les peines pour corruption, atteinte, agression et viol de mineur ou de mineure de moins de 15 ans peuvent aller jusqu’à 20 ans de prison.

    Les violences éducatives ordinaires

    Le 2 juillet 2019 le Parlement a adopté la proposition de loi qui interdit les "violences éducatives ordinaires", c’est-à-dire les châtiments corporels, mais aussi les brimades ou la violence verbale, les punitions ou encore les injures sur les enfants. Cette interdiction est depuis inscrite dans le Code civil, avec l’ajout d’un alinéa qui précise que "l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques". Les peines pour violences éducatives ordinaires peuvent aller jusqu’à 5 ans de prison.

    La vie privée de l'enfant

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