Que faire si mon ado me parle ou agit avec violence ?

L’adolescence est réputée pour être conflictuelle. Mais comment réagir lorsque les propos ou les gestes de son ado dépassent le cadre et se font violents ? Pour nous donner des éléments de compréhension face à cette potentielle violence, regards croisés de Pierre Poitou, psychologue à La Maison des ados de Loire-Atlantique, et d’une maman qui nous livre son témoignage.

  • Rencontre avec Pierre Poitou

    Pierre Poitou est psychologue à la Maison des ados de Loire-Atlantique depuis février 2007. Il est habitué à être au contact et à l’écoute des adolescents et de leurs familles qu’il reçoit en entretien.

    Pourquoi un ado est-il violent ?

    La violence des adolescents ne doit pas être stigmatisée : elle est loin d’être fondamentalement différente de celle des adultes. Il s’agit d’un mécanisme de défense face à des menaces perçues ou des contrariétés. Cependant, les circuits de régulation émotionnelle n’arrivant à maturité qu’autour de 25 ans, les débordements peuvent être plus difficiles à contenir pour les adolescents. Plus souvent réactionnelle (face à la frustration par exemple) qu’intentionnelle, cette violence résulte fréquemment de la difficulté à se confronter au cadre.
    On peut tout de même distinguer deux cas de figure : l’un où la violence (physique, verbale ou morale) est ancrée dans le langage familial et l’autre où elle en est absente. On ne naît pas adolescent, on le devient : c’est l’accumulation d’un apprentissage durant l’enfance qui passe notamment par l’imitation et l’identification. Le contexte familial peut alors énormément jouer sur la normalisation de cette violence.

    « L’adolescence n’est pas un âge facile, ni pour les ados ni pour les parents. »

    C’est un âge de fragilité ; une fragilité qui peut tendre à s’exprimer par de l’agressivité (ou, au contraire, du renfermement).

    Que faire en situation de crise ?

    Je pense qu’il faut commencer par dissocier l’intention de l’expression d’une réaction car la façon dont on appréhende cette violence peut conditionner ou influencer profondément nos relations avec nos ados. Un parent fragile, ébranlé, peut se sentir agressé alors que l’adolescent est dans un comportement d’adaptation, de digestion de quelque chose.
    Il est important d’essayer de prendre de la distance avec les actes et les paroles de l’adolescent dérivant de sa colère ; d’essayer d’adopter un positionnement empathique mais ferme. S’affirmer permet de reposer le cadre. Mais ce n’est pas toujours simple, surtout lorsque l’on se trouve face à son enfant qui change, qui grandit, et qui, parfois, semble beaucoup plus imposant.

    Ensuite, il faut tenter d’éviter l’escalade de la violence, pour ne pas en venir aux mains. Pour cela, on peut faire appel à une tierce personne qui se montrera compréhensive de la situation. On peut aussi tenter – même si ce n’est pas toujours facile – de demander une pause, de l’espace, ou un temps mort avant de répondre. C’est un moyen d’insuffler des respirations dans la situation de conflictualité et de garder le contrôle.

    On peut aussi se reposer sur les « règles de la maison » ou sur la loi : expliquer, sans se justifier, qu’il y a des limites et des contraintes. C’est aussi donner à son adolescent les « règles du jeu », lui permettre de comprendre et, pourquoi pas, de les aménager selon des compromis qui conviennent aux deux parties. Ainsi, cela ne repose plus sur l’affect mais bien sur le cadre.

    Si on se sent dépassé ou que l’on sent que l’on ne pourra pas cadrer la crise et qu’elle nous met en danger, il est aussi légitime d’appeler à l’aide en contactant les gendarmes ou les secours.

    Attention, dans certains cas, la violence peut aussi être un symptôme d’un trouble psychique (qui apparaissent souvent entre 12 et 25 ans). En cas de doute, n’hésitez pas à consulter un médecin.


    Vers qui me tourner ? Comment souffler ?

    Tout d’abord, rappelons-le : si le « job » du parent est de protéger son enfant, cela ne doit pas se faire au détriment de son intégrité. C’est pourquoi c’est OK de se sentir dépassé ou d’avoir besoin de souffler. C’est OK voire bénéfique de s’autoriser des moments de respiration hors de la maison, loin de son ado. Ça lui permet aussi de se rendre compte que le parent a une vie en dehors de lui et de relâcher la pression.

    « Les parents se sentent souvent démunis face aux explosions de colère ou de violence de leurs adolescents. »

    Aucun parent n’a la science infuse. Quand on se sent en difficulté, il est recommandé de se tourner vers des professionnels : que ce soit sur le plan juridique (éducateurs, avocats) ou sur le plan de la santé. Associations, médiateurs familiaux, numéros d’appels, forums… Les ressources ne manquent pas ! Demander de l’aide ne fait pas de vous un mauvais parent.

    Si cette violence semble exprimer une souffrance, il vaut mieux envisager le soin : prendre rendez-vous avec un psychologue ensemble pour éviter une détérioration plus grande de la relation. Y aller ensemble, c’est éviter de rejeter sur une seule personne les difficultés d’une relation à deux. Cependant, si vous sentez que votre enfant commence à vous faire peur, que vous vous sentez menacé : il faut se protéger et ne pas hésiter à se tourner vers des professionnels de l’éducation ou de la loi.

  • « Pour se comprendre, il faut se rapprocher un peu. »

    Avoir tort ou raison lors d’un conflit, ce n’est pas la question. Parfois, même si c’est difficile, il faut accepter de ne pas avoir le même point de vue et pourtant d’avoir tous raison, à notre façon. Après un événement de violence, il n’est pas forcément nécessaire de tout décortiquer avec son ado – au risque de le « saouler ». Cependant, sentez-vous libre de lui faire un rapide retour sur vos ressentis et vos besoins, et de lui demander si il ou elle a envie de parler.

  • Charlotte, maman de 3 enfants de 15, 12 et 7 ans, vivant à Nantes


    Mon aîné est un enfant moins facile à gérer que les autres. Ça a commencé déjà quand il était tout petit, mais ça a pris graduellement de l’ampleur. Il a une grosse difficulté à intégrer les limites posées et à gérer la frustration. En tant que parent, il est difficile de maintenir un cadre rigide en permanence. Les soirées chez des amis, les vacances ou encore la venue des grands-parents modulent les règles instaurées. La fatigue ou la perte de vigilance peut aussi faire bouger les lignes... Et là, il s’engouffre dans la brèche et requestionne les règles, y compris après le retour à notre routine.

    C’est un adolescent dans la défiance constante des limites, ce qui est assez épuisant. En fait, s’il n’est pas tant violent verbalement ou physiquement, c’est plus sa volonté permanente de faire comme il veut et de remettre en question les règles qui finit par nous pousser dans nos retranchements.

    « La violence entraîne la violence »

    Mais loin d’être un enfant roi (comme on a pu nous le dire), c’est surtout un enfant qui souffre ou qui a souffert. Les premières années au collège, ça a été très violent pour lui. L’impossibilité de se lever pendant le cours, le peu de pratique ou de manipulations, l’injonction au silence pendant le cours, l’ennui parfois... Tout cela a généré beaucoup de frustrations, difficiles à canaliser pour lui. Cela a fait grandir un mal-être, un sentiment d’injustice, d’incompréhension. Ses interventions ont souvent été prises pour de l’insolence, sans toujours l’être. Une spirale s’est installée : manque de confiance en l’école, sanctions, désintérêt pour les cours, chute des notes et perte de confiance en lui.

    C’est cette réalité qu’il a pu vivre comme une forme de violence. La violence entraîne la violence, notamment quand vous êtes à bout, que vous ne savez plus quoi faire, quand vous vous sentez en situation d’échec.

    « Les tensions se sont apaisées mais on reste vigilants »

    On a mis en place une écoute par un psychologue et j’ai énormément lu sur le sujet… ou même échangé sur des groupes en ligne avec d’autres parents. Et ça porte ses fruits : à 15 ans, il a repris confiance en lui et réussit à « rentrer dans le moule ». Il a beaucoup mûri, les tensions se sont apaisées au collège comme à la maison. On est encore extrêmement vigilants quant à la gestion des tensions à la maison, pour que ses frères, qui ont tendance à s’effacer, trouvent leur place (ce qui n’est pas toujours simple).

Où trouver de l’aide en tant que parent ?

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