Parler de sexualité avec son enfant

Sujet parfois tabou, aussi bien pour les enfants que les parents, la sexualité est pourtant au centre des préoccupations au moment de la puberté, mais aussi avant, avec beaucoup de questionnement de la part des enfants.

Parler de sexualité avec son enfant
© martin-dm - iStockphoto

Dans ce dossier

Nous partageons les témoignages de parents, de jeunes adultes qui se souviennent comment ils en ont parlé avec leurs parents. Nous vous proposons également de partager le retour d'expérience d'une conseillère conjugale et familiale qui travaille au centre de santé sexuelle (ex-CPEF) du pôle femme mère enfant de l’Hôpital de Châteaubriant. Enfin, nous mettons à votre disposition une large palette d'outils et de contenus (livres, podcasts, etc.).

Décryptage avec Annick Barrau, conseillère conjugale et familiale

Annick Barrau est conseillère conjugale et familiale au centre de santé sexuelle du pôle femme mère enfant de l’Hôpital de Châteaubriant. Elle intervient notamment dans les établissements scolaires auprès d'élèves du CM2 jusqu'au lycée.

  • Annick Barrau répond à nos questions :

    Comment abordez-vous la question de la sexualité avec les enfants ?

    À partir de leurs représentations, de ce qu’ils en savent, de ce qu’ils en ont compris. On part d’eux, et ensemble on se questionne, on les invite à faire des liens en favorisant la mise en mots, le partage, l’échange, et c’est au fur et à mesure de ce qu’ils amènent et de leur questionnement que l’on amène des informations. On parle d’intimité mais pas d’intime, dans un cadre qui permet la mise en mot de la pensée, un cadre contenant qui sécurise et qui autorise, et qui est posé dès l’ouverture du groupe. On demande de respecter la confidentialité non pas du contenu, rien n’est secret, mais du « qui a dit quoi ». Selon les groupes nous utilisons des supports de médiation, comme le photo langage, le dessin ou les phrases étiquettes. Des outils que les parents peuvent aussi utiliser chez eux.

    Et avec les plus grands ?

    Chez les plus grands, notamment à partir de la 4e ou de la 3e, la grande question, c'est comment on fait ? Nous expliquons qu'il n'y a pas de recette magique, pas de méthode ni de guide. Les ados ont parfois du mal à lâcher cette idée. Avec les lycéens et les jeunes adultes, nous abordons la notion de consentement, présente dans tous les groupes et à tous les âges, et de passage à l'acte. De ce qu'on peut accepter par amour. Une relation où je ne peux pas dire non, est-ce vraiment une relation qui est bonne pour moi ? On aborde aussi la notion de plaisir dans la sexualité, qui est souvent présente dans l'idée que s'en font les garçons, mais moins souvent les filles, ou alors quand elles sont un peu plus âgées. Nous évoquons aussi la notion de risque, avec les grossesses non désirées, les infections sexuellement transmissibles (IST). Nous détricotons certaines idées reçues sur les fonctionnements du couple et de la famille. Il ne s'agit pas de dénigrer les fonctionnements et pratiques familiales ou culturelles, mais juste de dire qu'il y a d'autres possibles pour ne pas rester dans une pensée unique. Et pour asseoir le tout, nous amenons la loi. Ce que légalement on peut faire et ne pas faire.

    Comment et quand parler de sexualité avec son enfant ?

    Ça fait partie de la relation parent-enfant et ça n'arrive pas qu'à la puberté. C'est quelque chose qui se construit. La notion de consentement par exemple, s'apprend dès le plus jeune âge de l'enfant. Lorsqu’ on change son bébé, accompagner nos gestes de parole et nommer ce que l’on fait : « je suis en train de te changer », amener l'idée que son corps lui appartient. Ou encore lorsque l'enfant est un peu plus grand et qu'on lui demande de faire un bisou pour dire bonjour. La politesse c'est de dire bonjour, peut être pas de faire un bisou. Si l'enfant ne veut pas faire de bisou, c’est peut être important de se questionner sur le respect de son désir dans cette proximité à l’autre, respecter le désir ou le non désir de l’enfant c’est peut être l’autoriser à dire « non » dans une relation affective ou amoureuse. À partir du moment où un enfant pose une question, c'est qu'il a un élément de réponse, lui demander ce qu’il en pense : « d’après toi … », permet de partir de là où il en est.

    Mais ce n'est pas toujours évident, en tant que parent, d'aborder cette question avec son enfant...

    Parfois, les parents n'osent pas parler de sexualité de peur de choquer l'enfant, mais c'est souvent parce que c'est leur propre représentation de la sexualité qui les freine. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à dire : « je vois que c'est important pour toi d'en parler, mais moi je ne suis pas à l'aise pour le faire, en revanche, tu peux aller en parler à d'autres personnes, il existe des personnes dont c’est le travail » ou orienter le jeune vers un autre membre de la famille, le conjoint ou la conjointe, une tante ou un oncle, les grands-parents etc. Autoriser son enfant à en parler ailleurs me paraît essentiel.

    L'accès à internet a-t-il modifié l'approche de la sexualité des jeunes ?

    Internet est un outil extraordinaire mais il peut représenter un vrai danger. Les enfants se posent des questions, ils ont besoin de réponses et ils vont les chercher là où on leur en donne. Internet est une source inépuisable de réponses. Selon les sources et ce qu’ils tapent dans le moteur de recherche ils peuvent être confrontés à de fausses informations, à des images violentes dont ils disent pour certains avoir été choqué. Ces images restent, c’est une véritable effraction qui peut laisser des traces dans leur relation future. Une fausse image de la réalité est ainsi véhiculée, notamment celle qu'on peut apprendre la sexualité via les films pornographiques qui transmettent des relations hommes-femmes sous l’angle de la domination et dans lesquelles la question du consentement ne se pose pas. Certains découvrent à travers l’échange avec le groupe que ce sont des films, avec des acteurs, des truquages. Les choses ne sont pas entendues pareil lorsqu'une vision différente est amenée par un pair que par un adulte. Amener un regard et un esprit critique est parfois compliqué mais reste essentiel pour nous.

    Liens utiles

    Plus d'infos sur les Centres de santé sexuelle
    Plus d'infos sur les infections sexuellement transmissibles
  • Le Planning familial est une association qui intervient principalement autour de la santé sexuelle. On peut y venir avec ou sans rendez-vous, suivant les horaires d’ouverture. Vous y serez reçu par un conseiller familial et conjugal ou une conseillère familiale et conjugale. Il ou elle vous écoutera, répondra à vos questions et vous orientera. Le Planning familial est accessible à tous et les rendez-vous sont confidentiels et anonymes.

    Plus d'infos sur le Planning familial

  • Anne-Lise, 27 ans

    Le seul souvenir que j'ai, c'est ma mère qui un jour - je devais avoir 16 ou 17 ans - , me donne une boîte de préservatifs et un petit livre sur la contraception et les maladies sexuellement transmissibles.

    "Lorsque j'aurai des enfants, je compte m'y prendre complétement autrement."

    Tout le reste de mon apprentissage de la sexualité, s'est fait au fil de l'eau, en discutant avec des copines et des copains et en lisant certains livres. Lorsque j'aurai des enfants, je compte m'y prendre complétement autrement. Pour moi, la sexualité n'a rien de tabou et c'est normal d'en parler à ses enfants. Surtout des notions de respect et de consentement qui d'après moi doivent être apprises dès le plus jeune âge.

    David, 40 ans.

    Ma fille a 8 ans et l'an dernier, nous avons remarqué avec ma compagne qu'elle avait parfois tendance à se toucher ou à se frotter l'entrejambe. Elle le faisait devant nous, mais aussi devant d'autres personnes, comme les amis ou la famille que nous recevions à la maison. Nous lui avons expliqué que ce qu'elle faisait là, elle pouvait le faire, mais dans sa chambre et lorsqu'elle était seule. Mais ça n'a pas été simple, parce qu'elle ne comprenait pas en quoi c'était quelque chose d'intime et de privé.

    "Ça n'a pas été facile pour nous de mettre des mots sur la notion de plaisir."

    Nous lui avons donc demandé pourquoi elle faisait ça. Elle nous a dit que ça lui faisait chaud dans le ventre et qu'elle aimait bien. Ça n'a pas été facile pour nous de mettre des mots sur la notion de plaisir intime. Déjà parce qu'elle n'avait que 7 ans et, pour être honnête, nous avons été choqués, quand on est parent on imagine plus aborder la question de la masturbation vers 13 ou 14 ans. Nous en avons parlé avec notre médecin traitant qui nous a dit que c'était tout à fait normal. Il nous a dit que nous avions fait le bon choix en ne lui interdisant pas, mais en lui demandant de s'isoler.

  • L’orientation sexuelle correspond à l’attirance pour des personnes du sexe opposé, du même sexe, ou pour les deux sexes. Cette orientation peut-être d'emblée très marquée, mais elle peut aussi s'affiner au fur et à mesure que l'enfant grandit et se développe.

    Pour en savoir plus, vous pouvez consulter ces pages :

    Si vous avez des questions

    Vous pouvez également contacter vous-même ou renvoyer votre enfant vers :

5 conseils pour aborder plus sereinement la sexualité avec votre enfant :

  1. Lorsque votre enfant vous pose une question, essayez d'abord de voir ce que lui ou elle a compris.
  2. Expliquez-lui les choses en restant à sa hauteur, en respectant son intimité, avec des mots adaptés à son âge
  3. Au quotidien, apprenez à votre enfant que son corps et son intimité lui appartiennent.
  4. Rappelez que la sexualité est un enjeu de santé avec des risques comme les infections sexuellement transmissibles (IST) ou le risque de grossesse prématurée.
  5. Si vous ne vous sentez pas à l'aise pour parler de sexualité avec votre enfant, n'hésitez pas à lui expliquer, tout en lui disant que c'est important d'en parler et en l'orientant vers un lieu où il pourra se renseigner.

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