Intimité chez l'adolescent : comment lui apprendre à respecterson intimité et celle des autres ?

Comment aider les ados à respecter leur intimité et celle des autres, à l'heure d'internet et des réseaux sociaux ? Pour la psychologue clinicienne Sarah Guesmi, leur rapport à l'intimité se construit et s'accompagne dès l'enfance. Et même si les réseaux sociaux peuvent entraîner des dérapages, comme le racontent des parents dans ce dossier, la nouvelle génération est plutôt consciente de l’importance du consentement et des limites à respecter.

Décryptage avec Sarah Guesmi

Psychologue clinicienne et travailleuse en libéral pour la Protection de l’enfance au Département de Loire-Atlantique

  • Sarah Guesmi répond à nos questions :

    Est-ce que le rapport à l’intimité change à l’adolescence ?

    L’intimité, c’est ce qu’on décide de cacher. Et quand on est ado, c’est aussi se soustraire à la toute puissance de l’adulte et au regard de l’autre. Plus on grandit et moins on a envie qu’on entre dans son intimité, même si c’est à la maison. Chez les adolescents ou les enfants qui grandissent, un des symboles de cette revendication d’intimité, c’est le panneau "Stop" ou "interdit" posé sur la porte de leur chambre.

    Comment accompagner son ado ?

    C’est dès l’enfance que ça se joue, avec l’instauration d’un climat de confiance entre les parents et l’enfant. Plus on apprend jeune à respecter l’intimité et plus sa propre intimité est respectée, plus on maîtrise ce qu’on montre de soi et ce qu’on voit des autres, notamment sur les réseaux sociaux.

    L’intimité est-elle une question centrale chez les ados d’aujourd’hui ?

    On observe un vrai changement chez les nouvelles générations. Le mouvement MeToo est passé par là. Les questions du respect de l’autre, de son intimité, du consentement, sont au cœur des préoccupations de beaucoup d’adolescents.

  • Dans cette courte vidéo, Lumni aborde les questions liées à l’intimité : Comment la définir ? Quelles limites poser ? Comment respecter l’intimité et quels sont les droits à l’intimité.

    Voir la vidéo "Lintimité

  • Les réseaux sociaux bouleversent le rapport à l’intimité en ouvrant des portes jusque là fermées.

    Thomas et Amélie racontent comment leur fille de 15 ans a été victime de harcèlement et de moqueries après la diffusion de photos envoyées sur un groupe d’amies.

    L’avantage, c’est qu’elle nous en a parlé tout de suite. Un soir en rentrant du collège, elle nous a dit "il y a des photos de moi à moitié nue qui circulent dans le collège". Le choc a été brutal. Nous nous sommes sentis coupables de ne pas avoir su suffisamment lui expliquer les dangers ou du moins les risques. C’était un peu comme si cette intimité qu’on avait fait en sorte de préserver nous était soudain lancée au visage. Le choc passé, nous avons discuté de ce qu’il s’était passé. Elle avait un groupe de copines sur Whatsapp qui échangeaient des photos d’essayages de vêtements et de sous-vêtements. Elles se sont aussi envoyé des photos de leurs poitrines ou de leurs fesses et elles faisaient des comparaisons, parlaient de leurs prises de poids, de leurs complexes etc. Notre fille nous a dit qu’elle avait trouvé ça plutôt "cool" de pouvoir parler comme ça "sans filtres" entre filles et que ça l’avait beaucoup aidé de voir comment étaient les autres et d’en parler. Mais un jour, il y a eu une grosse dispute et une des copines du groupe a diffusé les photos sur d’autres groupes. Ce qui était quelque chose d’intime est devenu public. Notre fille ne l’a pas trop mal vécu. Elle était plutôt en colère. Mais d’autres filles du groupe l’ont très mal vécu. Le problème, c’est qu’au-delà de la diffusion, c’est très difficile ensuite de savoir ce que deviennent les images une fois qu’elles sont dans la nature.

    L’avis du pro : Bertrand Gardette est le co-fondateur de l’association pour la prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves

    Le cyberharcèlement est un outil supplémentaire au service du harcèlement mais c’est un fléau car les adultes ne peuvent pas le voir, pas le prévoir. C’est instantané et radical : une réputation peut être ruinée en un après-midi. Et c’est difficile à traiter car même si les auteurs sont désolés, c’est trop tard. C’est particulièrement problématique dans le cadre du sexting où des jeunes filles envoient des photos intimes à leurs petits amis qui les partagent. La sensibilisation ne marche pas vraiment sur cette question, même auprès des potentielles victimes. La volonté de se mettre en scène de façon flatteuse est supérieure à la raison chez les jeunes. Ils imitent en cela les adultes, qui se mettent aussi en scène et ne savent pas décrocher de leur portable. Dans toutes les familles, il faut créer des temps sans internet, sans mobile, et montrer l’exemple.

    Voir le site web de l'association pour la prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves

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