Comment aider son enfant à se projeter sereinement dans l'avenir ?

Les enfants et les ados ont de plus en plus de mal à se projeter dans l'avenir. Changement climatique, guerre, crise sanitaire... Les raisons de s'inquiéter sont nombreuses et favorisent l'éco-anxiété. Dans ce dossier, nous vous donnons des pistes pour accompagner au mieux votre enfant, l'aider à garder confiance et à agir pour son avenir.

Comment aider son enfant à se projeter sereinement dans l'avenir ?
© kate_sept2004 - iStockphoto

Décryptage avec Hélène Jalin, psychologue

Hélène Jalin est psychologue clinicienne, spécialiste de l'éco-anxiété et des éco-émotions.

  • Une étude publiée en 2021 dans la revue The Lancet Planetary Health révèle que plus d’un Français sur deux, âgé de 16 à 25 ans, se dit « très » ou « extrêmement inquiets » du changement climatique.

    Hélène Jalin, psychologue clinicienne spécialiste de l’éco-anxiété, répond à nos questions.

    Pouvez-vous nous donner une définition de l'éco-anxiété ?

    On peut dire que c'est l'ensemble des réactions émotionnelles provoquées par la perception d'un effondrement lié à l'environnement. Par exemple, la peur des maladies qui peuvent apparaître ou réapparaître à cause du changement climatique, ou la peur de voir disparaître une partie de la faune et de la flore.

    Comment l'éco-anxiété se manifeste-t-elle et comment elle peut agir sur la santé ?

    L'éco-anxiété peut entrainer des difficultés émotionnelles. De l'anxiété, mais aussi d'autres émotions, comme la colère ou la culpabilité. Elle peut également provoquer des réactions physiques ou physiologiques, comme des difficultés à dormir ou une boule au ventre. Certaines personnes vont aller jusqu'à se trouver dans un état dépressif, avec une incapacité à se projeter dans l'avenir ou l'impression d'être le seul ou la seule à avoir pris conscience de ce qui se passe et que les autres s'en fichent.

    La culpabilité peut être difficile à supporter et pousser à changer son comportement jusqu'à l'épuisement et le burn out. Chez les ados, l'éco-anxiété peut les amener à remettre en question le mode de vie des parents. La difficulté à se projeter dans l'avenir peut venir se superposer et amplifier les problèmes liés à l’adolescence.

    En tant que parent, comment accompagner son enfant ?

    Souvent les parents n'osent pas en parler avec leur enfant de peur de les effrayer. C'est juste reculer pour mieux sauter. Tôt ou tard, l'enfant prendra conscience des problèmes liés à l'environnement. Il faut toujours expliquer les choses aux enfants, même les petits gestes du quotidien qu'on peut faire à la maison, comme trier les déchets, économiser l'eau, etc. Il est toutefois préférable de se fixer une limite: on ne peut exposer un enfant qu'à quelque chose dont on est prêt à parler ensuite et qu'on arrive à expliquer.

    Chez les enfants de moins de 12 ans – qui en général ont une grande capacité de résilience – on peut aborder les sujets liés à l'environnement et au changement climatique par petites touches pour qu'ils puissent s'en saisir. Et puis, il faut mettre les enfants dans l'action, les rendre acteurs. Par exemple, faire un compost dans le jardin. L'enfant aura le sentiment de faire quelque chose pour que ça aille mieux et ça va limiter le choc de la prise de conscience. Chez les ados, ça peut être plus compliqué. À partir d'un certain âge, l'enfant va se rendre compte que les actions individuelles ne sont pas suffisantes. C'est le moment de l'encourager à participer à des actions collectives.

  • L'actualité peut être très lourde à digérer pour les enfants. Sarah Guesmi, psychologue clinicienne au service de la protection de l’enfance du Département, donne quelques clés pour préserver les enfants de l’actualité et en parler avec eux.

    Les conseils d'une psychologue :

    Pour les plus petits, l’exposition médiatique (radio-télévision) peut être très angoissante si elle n’est pas accompagnée par la parole d’un adulte. Les parents peuvent, par exemple, différer le moment où ils s’informent sur le sujet et le faire lorsque les enfants sont couchés, faire attention quand ils en parlent entre eux.

    L’autre point de vigilance, c’est l’accès aux écrans. Plus que jamais, il faut veiller à ce que les enfants soient exposés le moins possible aux images, d’autant plus qu’elles circulent sur les réseaux sociaux et qu’elles ne sont pas toujours vérifiées.

    Enfin, les parents doivent être vigilants face aux inquiétudes de leur enfant qui ne doit pas se trouver démuni face à cette actualité. Il faut se détacher de sa perception d’adulte et essayer de trouver les bons mots pour en discuter avec l’enfant et lui expliquer les choses.

  • En parler avec votre enfant et l'aider à comprendre

    Comme l'explique Hélène Jalin dans ce dossier, vous êtes nombreux à ne pas oser aborder ces questions par crainte d'angoisser votre enfant. Or, il ne faut pas éviter le sujet. Moins l’enfant en sait et plus son angoisse risque d’être importante. Encore plus s’il a eu des informations peu fiables via les réseaux sociaux ou entendu dire des choses à l’école ou au collège.

    Alors, en en parlant avec lui, vous pourrez savoir ce qu’il a entendu, ce qu’il a compris, et ce sera plus facile pour l’accompagner et l’aider à comprendre. Et si vous ne vous sentez pas capable d'expliquer certaines choses, appuyez vous sur des livres, des podcasts ou des articles ou faites vous accompagner.

    Le rassurer et montrer que vous pouvez agir ensemble

    Au moment de parler de choses qui peuvent inquiéter votre enfant pour son avenir, vous pouvez le rassurer, lui dire qu'il existe des solutions et lui proposer d'en mettre en place à la maison. Sur le changement climatique par exemple, vous pouvez lui proposer de vous aider à faire le tri, de réduire la consommation d'eau, d'utiliser le vélo pour se déplacer, d'acheter des jouets d'occasion, etc.

  • Témoignage de parents

    Sophie et Damien habitent à Saffré. Ils sont les parents d'une fille de 13 ans et demi et d'un garçon de 9 ans. Ils racontent leur expérience :

    Un jour, Anouk nous a annoncé que désormais elle était végétarienne. Elle nous a expliqué que la production de viande notamment, était très polluante et entrainait de la maltraitance animale. Nous avons respecté son choix. Nous avons adapté notre alimentation et nous avons fait les démarches nécessaires auprès du collège pour la cantine. Au bout de quelques mois, Anouk a commencé à faire des remarques à nous et à son petit frère lorsque nous mangions de la viande. Ça a été assez loin puisqu'elle est allé jusqu'à traiter son frère d'assassin parce qu'il mangeait du poulet. Elle lui a montré des vidéos de découpe de volaille et d'élevage de poulet en batterie assez horribles. Son frère en a fait des cauchemars et a fini par lui aussi, nous dire qu'il ne voulait plus manger de viande pour sauver la planète. Nous étions assez embêtés.

    Nous étions à la fois fiers des convictions et du militantisme de notre fille et un peu gênés par la virulence de ses propos, notamment avec son frère. Plus tard, Anouk a commencé à nous faire des remarques sur l'utilisation de l'eau, le tri des déchets ou notre consommation en général. Pour faire simple, elle nous a fait la leçon. Nous avons décidé de reprendre les choses en main et d'écrire avec elle et son frère, une charte familiale avec des règles communes, comme le tri des déchets, le compost, le temps passé sous la douche, mais aussi des exceptions propres aux envies de chacun, comme par exemple pour son frère, le droit de manger un croque monsieur au jambon une fois par semaine.

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