Comment accompagner une rupture sentimentale chez son ado ?
Vous vous souvenez de votre premier chagrin d’amour à l’adolescence ? Souvent mal vécu par les ados, il n’est pas à minimiser. Dans ce dossier Sarah Guesmi, psychologue clinicienne, vous explique pourquoi les premières peines de cœur sont si difficiles à vivre pour les adolescents et les adolescentes. Un papa témoigne de la première rupture de son fils et nous vous donnons également quelques clés pour bien accompagner vos ados.
Décryptage avec Sarah Guesmi, psychologue clinicienne
Sarah Guesmi travaille en libéral et pour la Protection de l'enfance au Département de Loire-Atlantique.
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Pourquoi une peine de cœur peut être très mal vécue par les ados ?
Encore beaucoup d'ados ont une vision de l'amour et du couple comme quelque chose qui viendrait béquiller leur existence. Le chagrin d'amour est quelque chose de nouveau pour les adolescents et les adolescentes. Une rupture amoureuse ou un amour qui ne serait pas réciproque peut être ressenti de façon très violente parce qu'ils et elles misent beaucoup dessus. Cela peut très vite prendre toute la place dans la tête de l'ado qui aura beaucoup de mal à continuer à pratiquer ses activités habituelles et à suivre les apprentissages scolaires.
Quel rôle peuvent jouer les parents ?
Les parents ont tendance à banaliser le chagrin d'amour alors que pour certains et certaines ados, cela prend énormément de place dans leur vie, et les adultes ne prennent pas la mesure de l'incidence que cela peut avoir sur la vie des ados. Ça reste un sujet un peu tabou, parce que ça s'accompagne aussi de l'éveil de la sexualité et du passage dans l'âge adulte, des choses que les parents ne veulent pas forcément voir ou savoir.
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Le conseil de notre experte :
La bonne réaction, lorsqu'on pense que son ado a une peine de cœur, c'est de l'orienter directement ou indirectement vers la bonne personne. Cela peut être une infirmière scolaire, un surveillant ou une surveillante du collège ou du lycée, mais aussi un oncle, une tante, un ou une amie de la famille. L'essentiel, c'est que ce soit une personne qui prenne sa peine au sérieux et que l'ado puisse en parler et ne s'enferme pas dans son chagrin.
Et en parler avec les copains et les copines ?
Les peines de cœur sont souvent sujet de moqueries chez les ados. Et puis il y a encore aujourd'hui des scissions sociales et genrées. Par exemple, pour les garçons, ça reste encore difficile d'en parler aux copains. Je le constate en consultation, chez les garçons, ça met plus de temps à sortir et ils n'en parlent qu'à demi-mot. Je vois aussi beaucoup d'ados qui viennent pour autre chose et qui finissent par parler de ça.
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Thomas, 46 ans, est le papa de Giovani, un ado de 15 ans. Il témoigne.
L'été dernier nous sommes partis en vacances avec un couple d'amis qui a un fils de l'âge de Giovani. Ils se connaissent depuis longtemps et s'entendent très bien. À notre plus grande surprise, ils étaient ravis de partir en vacances avec nous. Nous avions loué un gîte dans un petit village du Lot. Le gîte voisin était occupé par une famille d'anglais qui avaient une fille de l'âge des garçons. Nous avons sympathisé avec les parents et le soir nous prenions l'apéro ou nous faisions un barbecue ensemble.
Giovani et son copain ont tous les deux eu un coup de foudre pour la fille de la famille anglaise. Au début, ça nous faisait rire. Nous avons même fait des paris entre nous sur lequel des deux aurait les faveurs de la jeune fille. Les deux garçons multipliaient les gestes gentils et galants, essayaient de passer un moment seul avec la jeune ado. Et puis, ils ont commencé à être vraiment méchants l'un envers l'autre. Ils s'envoyaient des piques de plus en plus dures, se moquaient l'un de l'autre avec de plus en plus de méchanceté. Un soir, ils ont fini par se battre. Ça nous a tous pris de court.
Ça aurait pu s'arrêter là, mais la jeune fille a finalement jeté son dévolu sur le copain de Giovani qui s'est complètement renfermé. Il ne voulait plus rien faire. Le soir il refusait de dîner avec nous et en journée, il restait au gîte. Nous avons essayé de lui parler, mais il était complètement bloqué. Nous avons commencé à nous inquiéter, au point que moi ou ma compagne restions avec lui au gîte de peur qu'il fasse une bêtise.
Un jour le papa de la jeune fille est monté le chercher dans sa chambre et l'a emmené faire un tour en voiture. Ils sont partis toute la matinée. Près d'un an plus tard, nous ne savons toujours pas ce qu'ils se sont dits, mais quand ils sont revenus, Giovani avait retrouvé le sourire. Il est resté pote avec l'autre garçon et aujourd'hui ils rigolent de ce qui s'est passé. De notre côté, nous sommes beaucoup plus attentifs.