Bien vivre la résidence alternée

La résidence alternée, qui consiste à fixer la garde de l'enfant en alternance chez les deux parents, est reconnue par la loi du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale. Près de 20 ans après, ce choix ne concerne que 12 % des enfants dont les parents sont séparés, mais est en progression.

Bien vivre la résidence alternée
© jacoblund - iStockphoto

Dans ce dossier, nous vous proposons des témoignages de parents qui racontent comment ils vivent cette résidence alternée, l'éclairage de Nicolas Peraldi, psychologue, sur les bonnes habitudes à prendre pour que parents et enfants vivent au mieux l'alternance, quelques chiffres d'une récente enquête de l'Insee et une bibliographie pour aller plus loin.

"La résidence alternée est une solution qui doit être proposée aux parents lorsqu'ils s'entendent suffisamment bien"

Décryptage avec Nicolas Peraldi, psychologue clinicien et psychanalyste

Nicolas Peraldi est psychologue. Il travaille notamment avec l’École des parents et des éducateurs de Loire-Atlantique (Epe 44) et la Caf.

  • Nicola Peraldi répond à nos questions :

    La résidence alternée est-elle une bonne solution ?

    La résidence alternée s'inscrit dans une mutation de la société. Les séparations et divorces sont plus nombreux, les formes familiales changent, on compte de plus en plus de familles recomposées, de familles monoparentales ou homoparentales. Par rapport à la garde classique (un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires), la résidence alternée oblige l'autre parent – souvent le père – à s'impliquer plus dans la vie quotidienne de l'enfant : faire les devoirs, faire les lessives, avoir un lien avec l'école etc. La fonction paternelle est très importante pour l'enfant. Avec la résidence alternée, le père est beaucoup plus impliqué qu'avec la garde classique.

    Quand doit-elle être proposée ?

    La résidence alternée est une solution qui doit être proposée aux parents lorsqu'ils s'entendent suffisamment bien, sinon ça devient vite un enjeu. Si les parents sont demandeurs, il faut les aider à mettre en place cette résidence alternée.

    Quel est d'après vous, le meilleur rythme pour la résidence alternée ?

    Je trouve le principe du 2-2/5-5 assez intéressant. L'enfant est, par exemple, chez l'un des parents le lundi et le mardi et chez l'autre le mercredi et le jeudi. Du vendredi au lundi matin en alternance chez l'un puis chez l'autre. Cela permet aux parents d'avoir deux jours consécutifs sans enfant et de mettre en place des activités. Et de son côté, l'enfant sait exactement quand il va chez l'un ou chez l'autre. Ce fonctionnement stabilise à la fois l'enfant et les parents.

    Comment la mettre en place sans qu'elle ne perturbe trop les enfants ?

    Ce n'est pas la résidence alternée qui perturbe l'enfant, ce sont les conflits. Voilà pourquoi, en cas de désaccord et avant de passer chez le juge aux affaires familiales (jaf), je conseille aux familles de prendre le temps de discuter, par exemple lors d'un temps de médiation familiale. C'est important d'être d'accord avant d'aller devant le Jaf afin qu'il n'ait qu'à entériner la proposition des parents. Ce qui est important pour l'enfant, c'est de voir que ses deux parents s'entendent sur son cas et sur l'amour qu'ils lui portent. Les parents doivent arriver à se parler quand il est question de l'enfant. Cela aide l'enfant à comprendre par exemple, qu'une semaine il va chez l'un et une semaine chez l'autre.

    Quelles sont les erreurs à éviter ?

    En cas d'alternance, il est primordial de respecter le « contrat » qui a été établi, c'est-à-dire les horaires et les dates. La cohérence est quelque chose qui rassure beaucoup l'enfant et il peut se trouver en difficulté si les modalités de garde ne sont pas respectées. Il faut expliquer les modalités de garde et s'y tenir. La comparaison est à éviter. Si l'enfant passe un bon moment chez l'autre parent, il faut s'en féliciter, lui dire qu'on est content pour lui. Sinon, le risque, c'est que l'enfant ne raconte plus rien. L’écueil du « qui est-ce que tu préfères ? », est à bannir également. Un enfant n'a pas à répondre à cette question. Il a un père et une mère, point barre. Si en tant que parent, on a un problème avec ça, il faut en parler a un professionnel.

    Malgré tout, cela peut entraîner des changements de comportements chez les enfants...

    Les parents ont parfois l'impression que l'enfant est triste lorsqu'il revient de chez l'autre parent. Ce n'est pas à cause de l'alternance ou des modalités de garde, mais bien parce que l'enfant revit à chaque fois la séparation de ses parents.

    Une résidence alternée peut-elle évoluer dans le temps ?

    D'une façon générale, les situations familiales évoluent et c'est normal de vouloir faire évoluer le mode de garde en fonction, un peu sur le principe des mises à jour d'une application ou d'un logiciel. Les adolescents peuvent remettre en question le fonctionnement de la résidence alternée. Imaginez un ado dont l'un des parents vit tout près du lycée et l'autre chez lequel il faut aller en bus. S'il peut traîner un peu avec ses copains à la sortie du lycée plutôt que de filer prendre le bus, il préférera la première option et du coup demandera à modifier ou à élargir l'alternance du mode de garde. Il faut en discuter avec lui, apprendre à écouter son enfant, sans toutefois lui donner le pouvoir de décider au risque de le mettre dans une position inconfortable de conflit de loyauté parentale.

    L'alternance peut aussi être mal vécue par les parents...

    Ce n'est pas simple de se retrouver sans son ou ses enfants. Certains parents le vivent mal. On peut avoir l'impression de ne plus être parent, on peut se sentir privé ou amputé de quelque chose. Mais on reste toujours parent, même si on n'est pas en contact direct. Et il faut garder à l'esprit le moment des retrouvailles qui est souvent intense. Souvent les parents qui se séparent se sentent coupables vis à vis de leur enfant. Les enfants perçoivent très bien cela et peuvent en profiter pour faire du chantage. Il faut que les parents soient au clair sur leur propre sentiment de culpabilité. Si la situation dégénère en conflit, il faut repasser par de la médiation et devant le Jaf pour asseoir l'autorité des parents via la loi.
  • Guillaume, 41 ans, 2 enfants, séparé depuis 5 ans.

    Lorsque je me suis séparé d'avec la mère des enfants, nous nous sommes mis d'accord à l'amiable sur la résidence alternée. Les débuts ont été très difficiles. La semaine où j'avais les enfants, je culpabilisais énormément : pour moi, mon nouveau logement n'était pas assez bien pour eux, j'avais du mal à dissimuler ma tristesse et ma rancœur liées à la séparation ; je n'arrêtais pas de m'excuser auprès d'eux. Et la semaine où ils n'étaient pas là, j'étais partagé entre des périodes d'euphorie, lorsque j'aménageais un peu la maison pour qu'elle soit plus accueillante pour eux, lorsque je prévoyais des activités à faire avec eux quand ils reviendraient, et des périodes de profond désarroi.

    "Il m'a fallu au moins une année complète pour trouver mon rythme et me sentir bien avec ce fonctionnement."

    Ensuite, il y a eu une période où j'ai été complètement dépassé. Je n'arrivais pas à trouver mon rythme. J'ai dû adapter mes horaires de travail, changer mes habitudes, renoncer à certaines activités et m'habituer à prendre en charge certaines tâches. Quand ils repartaient chez leur mère, je me retrouvais avec plusieurs jours de rangement et de ménage, j'étais en retard sur mes démarches administratives, j'avais l'impression d'être sous l'eau. Il m'a fallu au moins une année complète pour trouver mon rythme et me sentir bien avec ce fonctionnement.

    Salima, 37 ans, 1 enfant, séparée depuis 6 ans

    Mon fils avait à peine deux ans lorsque nous nous sommes séparés. La résidence alternée a été mise en place suite à un passage devant un juge aux Affaires familiales. Quand les enfants revenaient chez moi, je comprenais bien qu'il leur avait dit du mal de moi. Nous nous sommes souvent disputés pour des choses stupides, comme l'oubli d'une paire de chaussures chez l'un, les 5 minutes de retard de l'un ou de l'autre. La moindre modification des règles devenait un enjeu.

    "Aujourd'hui, l'alternance fait partie de notre vie."

    Je vivais très mal la semaine où je n'avais pas mon fils. Mon ex-conjoint ne me donnait aucune nouvelle où alors il fallait que j'insiste beaucoup. Heureusement que j'avais des amis qui étaient déjà passés par là et qui m'ont soutenue et donné de précieux conseils. Aujourd'hui nous avons chacun reconstruit nos vies et notre relation est plus apaisée. Notre fils a grandi aussi. Aujourd'hui, l'alternance fait partie de notre vie.

    Yoann, 43 ans, 2 enfants, séparé depuis 3 ans

    Au début la semaine sans les enfants était un peu dure, mais j'y ai vite trouvé mon compte et finalement aujourd'hui, j'aime bien avoir une semaine tranquille sans les enfants. Je me suis organisé : le jour où ils repartent chez leur maman, je range, je lave, je fais le ménage, et je vais faire quelques courses pour moi. Ensuite, je me repose un jour ou deux et les jours suivants, je sors avec des amis, je vais au cinéma, j'invite du monde à la maison. La veille du retour des enfants, je fais des courses, je prépare leurs affaires etc. En fait, cette semaine sans les enfants m'a permis de me reconstruire après la séparation et de me réapproprier une nouvelle forme de vie avec mes enfants.

    "Heureusement que la crise sanitaire n'est pas arrivée l'année où on s'est séparés."

    Forcément, l'année écoulée, avec les confinements, a été un peu difficile à vivre. Je me suis rendu compte que ma semaine seul était bien remplie et d'un coup, je me suis retrouvé avec beaucoup de vide et sans pouvoir faire plein de choses que j'aimais faire lorsque je n'ai pas les enfants. Heureusement que la crise sanitaire n'est pas arrivée l'année où on s'est séparés, je pense que j'aurais fait une dépression.

    Voir aussi

    Notre page consacrée à la séparation
    Notre page consacrée aux familles recomposées
    Notre page consacrée aux familles monoparentales
  • La médiation familiale permet de faire se rencontrer, en présence d’un médiateur diplômé d’état ou d’une médiatrice diplômée d’état, des personnes qui ont un lien familial et qui sont en conflit, et en difficulté de communication.

    « Lors d’une séance de médiation, les échanges sont notés, visibles et accessibles par tous. L’idée est de voir comment chacun a vécu l’expérience commune, et de chercher des solutions mutuellement acceptables et durables. L’important est le retour de la confiance », explique Elisabeth Pelé cheffe de service du Pôle Estuaire de Cap familles-Linkiaa.

    Plus d'infos sur la médiation familiale

  • En cas de séparation, le conflit qui oppose les deux parents peut avoir un impact important sur l’enfant. Linkiaa Cap familleS a mis en place des groupes de parole pour les enfants (de 6 à 11 ans) de parents séparés afin qu’ils puissent échanger sur leur situation.

    Lors d’une séparation, l’enfant se retrouve avec des parents qui ne vont pas bien et qui sont moins attentifs à ses préoccupations. De leur côté, les enfants peuvent avoir tendance à mobiliser de l’énergie pour faire en sorte que leurs parents aillent mieux. Ils vont être accaparés par la situation et être, par exemple, moins attentifs à l’école, avoir des troubles du sommeil, etc., explique l’équipe de l’espace de rencontre de Basse-Goulaine.

    Plus d'infos sur Linkiaa Cap familleS

La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale

La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale est une évolution du code civil qui valorise le principe de coparentalité et prévoit la possibilité, en cas de séparation, de mettre en place une résidence alternée chez les deux parents.

Plus d'infos sur la loi

La résidence alternée en chiffres

  • 12 %

    des enfants dont les parents sont séparés vivent en résidence alternée soit 480 000 enfants mineurs. Leur âge moyen est de 11 ans. (En 2020, en France, hors Mayotte).

  • 86 %

    des enfants de parents séparés résident donc majoritairement ou exclusivement chez un seul de leurs parents, le plus souvent leur mère.

  • 3,4 %

    des enfants vivent en résidence alternée en 2020, contre 3,0 % en 2018.

  • 4,2 %

    des enfants de moins de 4 ans ayant des parents séparés sont alternants, 15, 2 % de enfants en résidence alternée ont 10 ans.

Retrouvez l'intégralité des données de l'enquête de l'Insee du 3 mars 2021

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